MALAISE ET DESARROI

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

La grève des enseignants qui a eu lieu hier en France, et qui précède la prochaine journée d’action du 13 mai, fait reparler abondamment de l’état d’esprit des enseignants. Et il n’est pas bon ! Les profs n’ont plus la reconnaissance sociale qu’ils avaient jadis ; ils ne se sentent pas à l’aise dans leur statut, dans leur fonction, dans leur fonctionnement. On les dits mal-aimés ; on parle d’amertume. Bref, le malaise. Malaise et désarroi étant les deux termes qui reviennent le plus fréquemment pour décrire cette situation.

Et ce mot de malaise a bien souvent été prononcé (ou écrit) pour nommer une incertitude quant à une situation sociale : le malaise des cadres, malaise des jeunes etc.

Le mot malaise se comprend de lui-même : c’est le contraire d’aise, qui évoque facilité et bien-être. Et le passage à la forme négative ne se fait pas grâce à n’importe quel mot : c’est mal qui est employé. Oh ce n’est pas le seule cas où l’on utilise ce radical : on a malheur et heur (ou bonheur) par exemple. Mais le préfixe a pour ainsi dire deux fonctions qui convergent : il renverse le sens du mot auquel il est accolé. Et il évoque de lui-même une situation difficile, pénible.

Et le sens du mot est toujours en demi-teinte ! il ne s’agit pas d’un malheur franc, d’une souffrance aiguë : être mal à l’aise (et c’est bien ce que donne le mot quand on le déplie), ce n’est pas exactement avoir mal. Si on a un cor au pied et qu’on doive marcher dix kilomètres, on a mal. Et c’est insupportable. Si simplement on a des chaussures un peu petites, on est mal à l’aise. Le malaise est souvent de cet ordre : on n’est pas très bien et c’est souvent un embarras un peu abstrait, social, psychologique, ou tout au moins dont la manifestation n’est pas uniquement physique. (Mais attention, il y a des exceptions : on emploie le mot malaise à propose d’un malaise cardiaque par exemple. Et c’est parfois une façon atténuée de désigner un infarctus, ou ses premières manifestations).

Quant au mot désarroi, son sens est également un peu incertain. C’est le contraire du mot « arroi », qu’on n’emploie plus en français moderne, et qui évoque une vague détresse qu’on ne saurait parfaitement analyser, et dont on ne saurait non plus parfaitement détailler les causes.