MATRIX

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

Matrix ! Voilà un étrange mot qu’on voit beaucoup en ce moment sur les murs parisiens, dans la mesure où c’est le titre d’un film à succès qui vient de sortir. Drôle de nom ! Il faut dire que c’est un nom anglo-américain… mais on peut se demander si l’emprunt est plutôt à l’anglais ou au latin. En effet, matrix est aussi un mot latin. Formé sur le modèle de genitrix, autre mot latin, (qui signifie génitrice, simplement), et qui a servi de titre à un roman de François Mauriac. Donc il y a un précédent qui relie ce film à la tradition humaniste. Pourtant, quand on aura signalé que le titre complet du film est Matrix reloaded (matrice rechargée ?), on comprendra que la référence est plus américaine que romaine.

Matrix dérive de mater, et en latin, le mot s’applique d’abord aux animaux, aux femelles pleines, ou qui allaitent leurs petits. Mais il prend aussi le sens d’utérus (le creux où se niche l’œuf fécondé, le fœtus, le futur enfant) et s’applique alors aux femmes. C’est le sens qu’il garde en ancien français.

Mais en français, le mot matrice (abandonnons le suffixe latinisant) va prendre une série de significations dérivées. En imprimerie, c’est le moule en cuivre qui sert à fabriquer des caractères en plomb. En sculpture, en lithographie, en gravure, c’est aussi ce qui sert à faire naître l’objet d’art lui-même, comme un moule, ou comme un négatif. La dérivation est simple à comprendre : la matrice donne beaucoup d’épreuves, de même que la mère peut donner beaucoup d’enfants. Enfin, le mot s’est souvent utilisé lorsqu’on parlait de disques, notamment des vieux 78 tours. La matrice est l’original de l’enregistrement, à partir de quoi on pourra tirer de nombreux supports, et rééditer éventuellement une séance particulièrement réussie, dont les tirages d’origine sont épuisés.