TALENT

Par: Yvan Amar et Evelyne Lattanzio

Vous souvenez-vous d’Astérix ? Dans certaines histoires, il y est question d’un architecte qui a beaucoup de talents… Avec un « s » à talent… Cela ne veut donc pas dire qu’il a du talent, mais des talents… Jeu de mots qui amène à penser qu’il est riche peu compétent… Car les talents étaient jadis une monnaie grecque.

Les deux mots sont donc tout à fait différents, et ils ont pourtant la même racine. « Talanton », en grec, désigne le plateau d’une balance, et par extension, ce qu’on peut mettre dedans, et le poids que tout ça peut peser… Un poids un peu lourd… dans les 25 kg… Puis ce mot a désigné une certaine somme : c’est devenu à la fois une unité de poids et de richesse – ce qui était assez fréquent chez les Grecs, on avait la même chose avec les drachmes…

Et le talent, aujourd’hui, désigne une disposition, un don naturel, notamment par rapport à une pratique artistique : « Ce peintre a du talent ; il est talentueux » D’un côté, le talent s’oppose au simple savoir-faire, à l’expérience, à un métier qui s’apprend : le talent ça ne s’apprend pas, même si ça s’approfondit… D’un autre côté, le simple talent s’oppose au génie, mot plus fort, qui implique un don bien plus rare, plus exceptionnel, et plus créateur.
Cela dit, le mot s’emploie dans d’autres domaines que celui des arts : la cuisine, la diplomatie, etc.

Il y a donc un hiatus entre les deux sens du mot. Le glissement de sens, de monnaie à don artistique s’opère au Moyen-âge. Et ceci à partir d’une parabole évangélique, 2 à un autre, 1 au dernier. Lorsque le maître revient, celui qui avait la garde de 5 talents les a risqués, et fait fructifier. Il en a 10 à rendre. Celui qui en avait 2 en remet 4 à son maître. Mais celui à qui on avait confié un seul talent l’a protégé, caché dans la terre, et le rend tel quel à son maître. Le méchant ! Le paresseux ! Ote-lui donc ce talent et donnez-le à celui qui en a déjà 10 ! Le talent est donc ce qu’on a reçu en partage, et qu’on a la manière de faire fructifier.