BALADE ET BALLADE

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

« Cela commence comme une balade… ». C’est le titre, très bucolique, d’un négligé étudié, travaillé par un impitoyable marketing politique, que Laurent Fabius a donné à son dernier livre. Il nous permet, au moins, de nous demander ce qu’est une balade. Oh, c’est une simple promenade, une flânerie, le plus souvent sans but bien précis et, en tout cas, sans but utilitaire : on fait ça pour le plaisir, à son rythme. Et le mot sert même, de façon ironique, pour désigner un voyage qui s’est bien passé, qui n’a pas été trop fatigant : Paris-Nice en une étape ? Aujourd’hui, avec l’autoroute, c’est une balade. Et le verbe se balader trouve exactement les mêmes échos. Toutefois, on peut remarquer que ce verbe est pronominal : se balader. Existe-t-il, à une forme qui ne soit pas réflexive, qui se passe du double pronom ? Oui, mais c’est nettement plus rare, et uniquement avec une intention péjorative : balader quelqu’un, ce peut être au sens propre : lui faire faire un trajet qu’il n’avait pas l’intention d’accomplir : un chauffeur de taxi vous balade si, pour aller de la Tour Eiffel à Notre-Dame, il vous fait passer par Montparnasse et la Porte d’Aubervilliers. Et, par extension, quelqu’un vous balade s’il vous fait des promesses qu’il ne pourra tenir, s’il vous raconte des bobards en vous faisant espérer des choses que vous ne pourrez jamais obtenir.

Alors attention, il ne faut pas confondre ce mot de balade avec la ballade avec deux « l ». Le mot est ancien, et appartient à la langue artistique : une ballade est une chanson, en particulier, une chanson à danser : le mot est de la même famille que « bal », et que les verbes qui signifient danser en italien et en espagnol, par exemple. Puis, c’est un poème d’une forme particulière, avec des strophes, dont la dernière s’appelle un envoi, qui est généralement dédié à un personnage particulier, que l’on appelle Prince… Mais, le mot était resté dans le vocabulaire musical (souvenons-nous des ballades de Chopin…), et il est encore très utilisé, sous influence anglo-américaine, pour désigner un air lent…

Alors, bien sûr, il ne faut pas confondre les deux mots, avec leurs deux orthographes différentes. Mais, rappelons quand même qu’ils appartiennent à la même famille (se balader au Moyen-âge, c’était, pour des musiciens de rues, des baladins précisément, aller de village en village en demandant l’aumône).
Et les deux mots se voient réconciliés avec la création baladeur, mot français recommandé pour que les francophones évitent le mot walkman…