MERITE

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

Les fonctionnaires payés au mérite… Voilà qui fait débat, et qui mérite, justement, réflexion. Que veut dire l’expression ? Actuellement, les fonctionnaires sont payés en fonction de leur grade… et cette organisation peut sembler un peu militaire. Attention : leur grade est en principe en rapport avec leur travail, et de leurs responsabilités. Mais, ce rapport est parfois un peu lointain… Et, en tout cas, les fonctionnaires avancent surtout « à l’ancienneté »… avec quelques modulations : on parle de petit choix et de grand choix… on avance plus vite si l’on est bien noté… (et chaque fonctionnaire est noté…). Il y a aussi des primes distribuées pour récompenser un travail plus ardu ou plus prenant, tout cela pour modifier, en fait améliorer le salaire en fonction des compétences, des résultats, de la singularité du poste occupé… Mais tout cela, ce sont des arrangements… Payer les fonctionnaires au mérite serait reconnaître plus officiellement ce genre de systèmes… Et prétendre les payer, non pas en fonction du Concours de recrutement qui les a fait embaucher (il y a cinq, dix, quinze, trente ans…), mais davantage en fonction de leurs résultats. Les résultats sont-ils donc assimilés au mérite ?… C’est, certainement là, une déviation du sens d’origine du mot ! Certains sont tentés par ce genre de réforme ; d’autres considèrent qu’elle est dangereuse, dans la mesure où elle alignerait les pratiques du service public sur celles du secteur privé.

En même temps, on peut se souvenir que le mot méritocratie a une résonance profondément républicaine. Relativement rare et récent, ce mot forgé sur le modèle de démocratie et qu’on a entendu ou lu à partir des années 70, renvoie à une pyramide sociale fondée sur le mérite..
L’adjectif méritant, lui, est souvent employé de façon assez ironique… Plus ou moins associé à « pauvre mais honnête », sans éclat, sans bravoure, plein d’une humilité vertueuse mais qui sait rester à sa modeste place, c’est-à-dire plutôt en bas de l’échelle sociale…

Mais attention : si le mérite renvoie le plus souvent à l’idée de récompense, il renvoie tout autant à celle de châtiment : on parle d’une punition bien méritée… ou d’une gifle bien méritée… De même, on dira (à propos d’une bonne claque, par exemple) « Celle-là, il ne l’a pas volée ! » L’image est ironique, mais parlante : si on ne l’a pas volée, c’est qu’on l’a bien méritée, qu’elle vous revenait de droit.