METTRE EN SCENE

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

« Mettre en scène ». C’est le beau titre que s’est donné un festival qui se déroule actuellement en Bretagne, à Rennes, festival de spectacles théâtraux et chorégraphiques. Et ce titre déconstruit, interroge une expression toute faite, qu’on emploie en général sans s’interroger sur l’image qu’elle porte. On met en scène une pièce de théâtre, un opéra, un ballet quand on le/la monte, quand on dirige tout le travail qui aboutira à la représentation. C’est-à-dire qu’on passe d’un texte (pour le théâtre) à un spectacle, un ensemble de choses qu’on donne à voir, à entendre, à comprendre.

Attention, l’expression « porter à la scène » existe aussi avec un sens spécial et différent. On porte un roman à la scène, comme on peut aussi le porter à l’écran… C’est-à-dire qu’on l’adapte, qu’on fait passer une œuvre d’une forme (romanesque) à une autre (théâtrale ou cinématographique…)

Mettre en scène est donc bien différent. L’expression se décline : on parle de mise en scène et de metteur en scène. Ce qui est une spécialité française : Il n’y a pas de calque dans les langues avoisinantes.

On peut se demander pourquoi mise en scène… Depuis très longtemps, dans le jargon du théâtre, faire la mise, c’était installer ou planter un décor. Puis, on a appelé mise en place tout le réglage de l’entrée et de la sortie des comédiens, ainsi que leur placement sur scène. Donc de la mise en place à la mise en scène… il n’y avait plus qu’un pas… Et, depuis d’ailleurs, on a encore élargi l’expression puisqu’on parle de mise en espace (si le concept de scène est trop restrictif…) et même de mise en lecture et de mise en ondes, à la radio…

L’idée théâtrale de mise en scène n’est pas si ancienne que ça. Cette responsabilité dans la coordination, la cohérence, le sens général d’un spectacle a longtemps été assurée par le directeur du théâtre ou l’auteur. Le travail d’un directeur de troupe se rapprochait aussi du travail d’un metteur en scène, mais ni le mot ni l’idée n’existait. Molière n’a jamais été metteur en scène de l’Illustre Théâtre, ni de la troupe de Monsieur.

Le mot se remarque, pour la première fois, en 1874, et c’est André Antoine (Directeur du Théâtre Antoine) qui semble être le premier metteur en scène de l’histoire du théâtre français. Et les compétences se sont diversifiées, et spécifiées. Non seulement le metteur en scène s’adjoint un décorateur, mais ce décorateur, on l’appelle de plus en plus souvent le scénographe, qui prend en charge non seulement les décors, mais aussi toute une pensée de l’espace scénique et de l’éclairage.

Il est intéressant de voir aussi que pour le cinéma, on n’utilise pas tellement (mais enfin… ça peut arriver…) ce nom de metteur en scène : on parle de réalisateur.