PRECAIRE

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

Emploi précaire, situation précaire… On parle même des précaires, de la précarisation de l’emploi, d’une situation qui se précarise, c’est-à-dire qui se fragilise, devient précaire. On voit que le mot est employé à des sauces multiples…

Et le sens actuel de précaire est assez clair : il s’agit d’une situation dont on n’est pas sûr qu’elle va durer, qui est susceptible de changer à tout moment ou presque : quand on est dans la précarité, on n’a pas d’assurance sur l’avenir… Et on sous-entend que si ça change, ce sera pour le pire et non pour le meilleur. La précarité de l’emploi s’oppose donc à la sécurité de l’emploi. L’emploi précaire c’est, par exemple, le travail au noir, l’emploi sans contrat de travail, le contrat à durée déterminée (dit CDD), d’un mois, deux mois, six mois, dont on ne sait pas s’il sera renouvelé… Toutes choses qui ont tendance à maintenir le travailleur dans un état de dépendance et d’anxiété quant à son avenir.

Le mot porte donc avec lui cette notion de fragilité, en mettant l’accent sur le fait qu’on n’a pas de prise sur cette fragilité ; on ne peut ni prévoir, ni maîtriser… Et précaire s’emploie, bien souvent, dans un contexte tout à fait concret : un équilibre précaire peut être celui qui existe de façon un peu incertaine, entre un patron tatillon et des employés revendicatifs, ou bien décrire une pile de livres empilés par terre, sur lesquels on aura posé une théière bouillante et branlante…

Précaire est aussi un terme juridique, beaucoup moins subjectif, qui s’emploie à propos d’une situation qui est accordée par quelqu’un qui est susceptible de la reprendre… On parle ainsi de bail précaire, qui s’oppose au bail dit 3/6/9, qui court sur neuf ans, et est réévalué tous les trois ans… Le bail précaire est, en général, d’un an. Il prévoit la location d’un bien pour une durée courte. Et le propriétaire, à l’issue du temps réglementaire, peut reprendre son bien sans mettre en avant une raison majeure…

Et l’origine du mot est inattendue et pittoresque. Il dérive du verbe latin precari, qui signifie prier… Et au départ, ce qui est precarius, en latin, est ce qui est obtenu par la prière... donc peu prévisible, et toujours susceptible d’être révoqué, annulé, anéanti, par le caprice (ou la suprême volonté) du créateur.