DISCRIMINATION

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

On parle beaucoup, en ce moment, de discrimination positive… Encore faut-il savoir ce que c’est… C’est une politique qui tendrait, par exemple, à combler les inégalités sociales qui existent entre des gens qui devraient être égaux en droits et en chance, mais qui ne le sont pas, par suite d’une histoire qui les a opprimés. Le concept nous vient d’Amérique du Nord, et l’expression discrimination positive traduit l’expression américaine affirmative action. Et elle est née dans un souci de rétablir une égalité, là où une ségrégation raciale l’avait empêchée.
Par exemple, pour reprendre un exemple repris dans Libération d’hier, on donne vingt points d’avance aux concours d’entrée à l’Université à des candidats noirs, ou d’origine hispanique ou indienne (sur un total de 150), pour compenser une réalité sociale qui avantage de façon évidente les blancs.

Cette discrimination positive est née lorsque la discrimination raciale a été déclarée illégale. On aurait donc retourné le concept, de la même façon qu’on retournait l’image du mot : la discrimination devient positive ; on fait une bonne chose avec une mauvaise… en inversant le signe…

En effet, le mot a souvent désigné des pratiques à écho raciste : on discrimine, c’est-à-dire on distingue plusieurs groupes sociaux. Et si on les distingue, on sous-entend qu’on ne les traite pas de la même façon. Alors, comment comprendre la différence de sens entre des mots qui désignent tous un peu la même chose : discrimination, ségrégation, apartheid…

Au départ, ségrégation et discrimination ont un peu le même sens : il s’agit de séparer. De même, ce mot d’apartheid est souvent traduit en français par développement séparé. Mais, on sépare toujours avec la même visée : réserver un meilleur traitement à un groupe ; et interdire à l’autre l’accès à un certain nombre de choses : éducation, position sociale… concrètement le maintenir dans une situation inférieure, l’opprimer. On le voit, ce qu’on appelle séparation n’est pas fait sans arrière-pensée…

Mais, les termes ne sont pas interchangeables. Apartheid s’applique au départ du moins, spécifiquement à la situation en Afrique du Sud. Alors… entre ségrégation et discrimination… La ségrégation a souvent été quelque chose de plus officiel. Il y avait des lois ségrégationnistes aux Etats-Unis, encore jusque dans les années 60, dans un certain nombre d’Etats du Sud… Quand on emploie le mot discrimination, on se réfère plus à une attitude…

Soulignons quand même que le mot discrimination a d’autres emplois, scientifiques… en mathématiques et en linguistique notamment. Et là, il n’est nullement péjoratif. Mais, l’adjectif discriminatoire, lui, l’est quasiment toujours. Est-ce cela qui a permis qu’on puisse ainsi l’employer dans un contexte qui inversait la donne sociale – ou la tentait ? Peut-être mais rappelons que c’est une certaine façon de voir les choses qu’on trouve parfois aux Etats-Unis. Le syndrome « Jim Crow », par exemple, devient le syndrome « Crow Jim ».