ARGENTIER

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

Après Bombay, c’est Davos… les forums succèdent aux forums, l’économique au social, et on voit se réunir, dans cette paisible bourgade suisse (paisible et cossue), un certain nombre de décideurs économiques et de ministres des Finances des pays les plus riches de la planète. Les grands argentiers… comme on dit en plaisantant. En plaisantant et aussi pour reprendre un cliché très utilisé par les médias, toujours friands de ce genre d’images…

Pourquoi grand argentier ? Le mot, on s’en serait douté, dérive d’argent. Il existe depuis longtemps et au XIIème siècle, il désigne en ancien français l’ancêtre du banquier. Celui qui change de l’argent, qui fait office de trésorier, et même qui prête de l’argent. Au XIVème siècle, il a désigné l’officier payeur, celui qui distribue les salaires, pour le compte du roi de France, ou d’un puissant seigneur.. Puis bien plus près de nous (XIXème siècle), le mot a pris un usage satirique pour désigner un homme riche, un capitaliste (cf. les caricatures des premiers patrons d’industrie de la révolution industrielle et du début du XXème siècle… l’homme ventripotent, à chaîne de montre en or, chapeau haut de forme, et plus tard, cigare…). Mais cet usage n’a pas duré. Aujourd’hui, on parle donc de grand argentier, pour parler du ministre des Finances comme si on singeait une fonction officielle d’une monarchie passée. Et le modèle linguistique est clair dans nos têtes : on se souvient du grand moutardier, du premier moutardier du Pape, cité pour la première fois au XVIIIème siècle, et dont on a cru qu’il correspondait à une charge authentique créée par Jean XXII au XVème siècle. Sans grand moutardier, il n’y aurait peut-être pas de grand argentier.

Y a t-il d’autres sobriquets pour désigner un ministre des Finances ? On parle parfois, toujours sur le même modèle, de grand financier… Mais sans ça, pas grand chose. Mentionnons quand même Bercy, métonymie récente qui renvoie au ministère des Finances français. Récente, parce que le ministère est localisé à Paris, dans ce quartier, depuis 1989. Si « Bercy » a succédé à la « rue de Rivoli », on peut noter que l’expression est vague, et qu’elle renvoie la plupart du temps à un ensemble d’énarques anonymes qui constitue l’entourage du ministre, plutôt qu’à la personne du ministre de l’Economie lui-même.