PASSION

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

Le mot est beaucoup entendu, en ce moment, notamment à cause des remous provoqués par le film de Mel Gibson, qui retrace la Passion du Christ.
Et on peut considérer que cet emploi du mot « passion » est le plus ancien, et aussi le plus proche de son étymologie. « La Passion du Christ », c’est l’ensemble du supplice qui conduit à sa mort. C’est son martyr, si l’on veut, encore que le mot « martyr » soit davantage réservé aux Saints persécutés qu’à Jésus lui-même.

Pourquoi « Passion » ? Le mot dérive de passum, une forme du verbe latin patior qui signifie souffrir. La Passion, c’est la souffrance. L’étonnant est que ce mot ait développé tant de sens différents, dont les échos sont tout à fait différents les uns des autres : le mot « passion » n’est pas toujours négatif, pas toujours lié à une idée de douleur ou d’émotion désagréable, bien au contraire !

A partir de la Renaissance, ce mot de « passion » commence à être employé dans le sens de sentiment amoureux très vif et très brûlant. On souffre mille morts, peut-être, mais comme ces morts sont parfois délicieuses… Enfin, on a encore l’idée, même très laïcisée, qu’on souffre pour quelqu’un, comme Jésus souffrait pour racheter les pêchés du monde. « Passion » est donc comme un intensif d’amour. Et s’utilise parfois lorsqu’un sentiment prend la forme, l’intensité, l’exclusivité qu’on prête généralement au seul sentiment amoureux : il a une passion pour sa mère, pour son fils, pour son patron…

Et le mot a encore d’autres emplois. Si l’on parle, par exemple, de la passion du jeu, il s’agit d’un intérêt passionné, c’est-à-dire qui vous dépasse, vous entraîne : on a l’idée de quelque chose d’incontrôlé, qu’on ne peut s’empêcher de faire, ou d’éprouver…

En tout cas, on a toujours ce mélange d’intérêt et de sentiment. Ainsi, dans l’adjectif « passionné » : un débat où la passion se mêle à la raison, un débat passionné, fait intervenir un élément affectif très fort, qui détermine tout le reste.

Et la passion politique est un mouvement qui pousse à se sentir extrêmement impliqué dans l’organisation de la vie en commun, les rapports de pouvoir, la gestion du collectif.

Et tout ça, bien sûr, aboutit à des emplois très affaiblis du mot « passion ». Au sens d’intérêt vif : « il a une vraie passion pour les trains électriques ».