MARIAGE
Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras
Polémique en ce moment autour des mariages homosexuels. Sont-ils légaux, possibles ? Qui va les célébrer ? Interrogeons donc le mot « mariage » : contient-il en lui des éléments qui en réserveraient l’usage à deux personnes de sexes opposés ?En tout cas, l’aspect le plus important de la signification de ce mot est son aspect officiel : le fait qu’une autorité entérine une union, la consacre, la sanctifie, la bénisse, si elle est religieuse, lui donne une existence reconnue… On appose un sceau public sur un lien privé. Rien de naturel là-dedans : que du culturel, même si ce culturel se drape dans des idées de nature, se présente comme donnant forme à une intention de la nature.
Le mot « mariage », d’origine latine apparaît d’abord avec un sens agricole : on marie des arbres, des pieds de vigne ! on les apparie, on les jumelle, on les met ensemble, pour qu’ils donnent plus et mieux : on a donc, à la fois, l’idée d’union et celle de fruit, de fécondité. Mais pas vraiment celle de sexes différents, ni d’amour…Et de toute façon, cette origine lointaine est tout à fait oubliée dans l’usage contemporain du mot.
Le mariage est donc, pour l’instant, l’union d’un mari et d’une femme. Il n’existe pas de mots neutres, au sens « non sexué » pour désigner les deux partenaires de cette union. Et la formule officielle : « les époux se doivent mutuellement amour, fidélité, assistance » fait appel à un mot qui a un masculin et un féminin : époux, épouse. C’est la vieille loi grammaticale (et parfois, idéologiquement contestée) « le masculin l’emporte sur le féminin » qui joue ici. Mais ça présuppose des époux de sexe différent. Dans l’hypothèse d’un mariage homosexuel, il n’existe donc pas de mot pour désigner ceux qui s’unissent.
Mari et femme : les deux mots fonctionnent bien comme un couple, dans de nombreuses expressions : ils vivent comme mari et femme, prendre mari, prendre femme (expressions vieillies). Les deux termes, bien sûr, sont loin d’être symétriques : mari est lié à mariage, désigne l’homme marié. Femme, en revanche, est un mot aux sens bien plus nombreux, et qui trouve dans cet usage un emploi tout à fait particulier. Est-ce en défaveur de la femme ? Est-ce encore une manifestation d’un machisme linguistique ? N’allons pas trop vite en besogne : on peut remarquer que, par exemple, la langue anglaise présente une particularité tout à fait inverse : man and wife.
Quant au couple époux/épouse, comment le situer par rapport à mari/femme ? C’est plus une affaire de distinction qu’autre chose : on peut penser qu’il est commun de dire « c’est ma femme, c’est mon mari… » Epoux vous a l’air mieux né… Mais, paradoxalement, il semble qu’on se monte un peu du col en employant époux épouse… et cet effet de distinction est plutôt la marque d’une langue populaire qui veut se donner des airs.