RESOUDRE/SOLUTIONNER

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

Deux mots qu’on a souvent opposés. Le premier plus ancien, plus ancré dans la tradition de la langue. Verbe « irrégulier », du troisième groupe… Un verbe accidenté, comme ces vieux outils qui en ont vu de toutes les couleurs.

L’autre, plus bureaucratique en apparence, est solutionner. On a beau le regarder de travers, rien ne vient lui faire de l’ombre : il est parfaitement formé sur le mot solution, et son sens est absolument transparent. Il apparaît fin 18ème, commence à se répandre un siècle plus tard. Mais garde une certaine image de parvenu. Surtout, il sent son rond de cuir, son col blanc, son attaché-case… Il faut dire qu’il a été très souvent, et durement et sévèrement critiqué. Pas des gens qui se réclamaient de la « vraie » langue française. La difficile. Celle des exceptions. Et des difficultés. Qui condamnent solutionner comme un lâche recours à la facilité. Et au mauvais goût. Le plus bizarre est que ce mot, et cette polémique ont quasiment fait long feu : on n’en parle plus guère. On ne solutionne plus vraiment… On a peut-être trouvé pire : on traite les problèmes, aujourd’hui… faute de pouvoir les résoudre…

Alors quels sont les problèmes du mot résoudre ? Pas très facile à conjuguer, c’est vrai ; plusieurs bases comme on dit : résou-, résolv-… Futur : je résoudrai ; imparfait, je résolvais ; participe passé, résolu…
Mais honnêtement, il y a une autre différence entre résoudre et solutionner. L’image évoquée par les deux mots n’est pas la même : résoudre, c’est trouver la solution d’un problème… au sein même de ce problème. On résout une équation… on découvre la solution qui est déjà là. Il suffit de la mettre en œuvre, de l’isoler…. Alors que le verbe solutionner a quelque chose de bien plus actif : on invente une solution ; on la crée de toute pièce. On l’imagine.

Le verbe résoudre a d’autres difficultés. Qui tiennent à ses dérivés… Un problème qu’on ne peut résoudre, se nomme facilement : c’est un problème insoluble. Mais si d’aventure, on peut (le résoudre…) Comment dira-t-on ? Soluble ? Le mot existe dans ce sens. Mais nul ne l’emploie… On n’y peut rien mais ça fait rire. Car on pense à un morceau de sucre… à quelque chose qu’on ne résout pas, mais qu’on dissout. L’adjectif soluble en effet a laissé tomber le préfixe. Et il correspond aussi bien au verbe résoudre qu’au verbe dissoudre. De là l’ambiguïté. Alors on peut se compliquer l’existence et dire qu’un problème n’est pas insoluble. Mais on ne le dira pas pour autant résolvable… ni même solutionnable : ça, ça n’existe pas.