ATYPIQUE

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

Mot bizarre qui, longtemps, a été rare et plutôt scientifique, « atypique » est devenu, en quelques années, l’un des mots les plus à la mode, dans un certain vocabulaire qui veut faire chic. « Les Nuits atypiques de Langon », près de Bordeaux, dans le Sud-Ouest de la France, l’un des festivals de « musiques du monde » les plus originaux, en témoigne avec éclat…

Le sens du mot est simple ! « Atypique » signifie original, qui s’écarte de la norme, de la moyenne. En clair, est « atypique », ce qui n’est pas représentatif d’un ensemble, et difficile à cataloguer. La décomposition du mot est d’ailleurs éclairante : « a typique »… ce qui n’est pas « typique ». Il ne reste plus qu’à expliquer le mot « typique » et le tour est joué.

« Typique » est l’adjectif qui correspond à « type ». Et le mot « type » a des sens divers, mais il en est un qu’on peut retenir : tupos en grec désigne le relief qu’on applique à une pièce de monnaie, à l’aide d’un moule ou d’un système de frappe. Et ce relief est donc toujours le même pour toutes les pièces frappées du même sceau. Le mot « type » a donc évolué vers le sens de « genre » « catégorie ». Ce qui est « typique » est donc ce qui représente le modèle d’une série d’identiques… Mais attention, le sens général du mot typique est plus souple que cela… Si tous les objets, en question, sont réellement identiques, aucun n’est plus représentatif que l’autre… En revanche, pour des éléments qui ne sont pas absolument semblables, mais qui sont des caractéristiques communes, on peut dégager celui qui sera tout à fait « typique », c’est-à-dire qui représente une sorte de moyenne. Ainsi, peut-on parler de la fermette normande « typique », du fonctionnaire « typique », etc.

On pourrait donc penser que ce mot correspond toujours à ce qui ne se fait pas remarquer, ce qui ne présente aucune originalité, ce qui est couleur muraille… Et pourtant, l’évolution du mot suit un cheminement bien différent. On évoque souvent ce qui est « typique » de ce qu’on connaît mal, de ce qui est lointain, exotique. « Typique » est alors proche de pittoresque : c’est la couleur locale : le costume « typique » des Bretonnes, c’est la coiffe, la grande robe noire et les sabots… Le mot « typique » est parfois presque synonyme de folklorique. Au point que ce qu’on appelle la musique « typique », c’est la musique d’Amérique Centrale ou d’Amérique du Sud… Attention, il y a un autre adjectif avec lequel il ne faut pas confondre typique : le fonctionnaire « typique », n’est pas le fonctionnaire « typé ».

Et cet autre mot a suivi une évolution de sens particulière… Par rapport à ceux qui habitent en France, par exemple, on parlera d’un méridional « typé » pour parler de quelqu’un au teint basané, à la chevelure très noire. Ou bien (même si c’est plus rare…) de quelqu’un dont l’origine nordique est très « typée » : cheveux très blonds, yeux très clairs… Celui qui est « typé » correspond donc fortement à un genre d’image toute faite de son origine géographique, mais en s’éloignant d’autant plus d’un modèle central : le nordique très « typé » est bien différent du « Français moyen ».