OTAGE

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

« Les mots de la grève ». C’est le titre d’une lettre de lecteur, parue hier matin dans Libération, signée de Michel Sparagano, qui nous « convie à une certaine rigueur lexicale »…
Laissez-moi d’abord le citer….
« Je voudrais revenir sur une expression très en vogue ces derniers temps (…) : « Les grévistes prennent les élèves en otage ! » Je voudrais juste dire que le jour où un forcené pénètrera dans une classe et mettra un pistolet sur la tête d’un élève, il ne restera plus de mots pour ne rendre compte. »
Eh bien non ! Je pense qu’il restera des mots pour en rendre compte… Les mêmes ! Et à mon avis, il n’est pas un seul locuteur francophone qui se méprendra sur la signification de ces mots ? Car il existe, comme on dit, des sens propres, des littéraux… et des sens figurés… Et l’expression renvoie à l’image suivante : « les grévistes pénalisent une population qui n’a aucun rapport avec les motifs de la grève. Et c’est le propre d’une grève… ce qui, d’ailleurs, est souligné par l’auteur de la lettre.
Alors j’ai bien compris que Michel Sparagano trouvait l’image excessive. Mais, à mon avis, il aurait mieux valu répondre sur un plan politique que sur un plan linguistique.

Et parlons donc un peu d’« otage », maintenant. Le mot, qui appartient à la même famille que « hôte » a probablement eu le sens de demeure, logement. « Garder en otage », c’est donc garder en demeure, garder prisonnier… comme une garantie qu’une promesse sera tenue ou qu’une exigence sera satisfaite. Un otage est donc souvent une personne dont on s’empare, qu’on utilise comme moyen de pression.
Et Alain Rey, cité d’ailleurs par l’auteur du texte, termine ainsi l’article de son dictionnaire historique consacré au mot « otage » : « Au figuré, prendre en otage, se dit des actions revendicatives entraînant une gêne à l’égard d’usagers… »