JACQUES
Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras
« Jacques a dit »… Encore le titre d’une pièce de théâtre, de Jacques Fayet, mise en scène par José Paul au Théâtre de Paris… Et l’auteur s’appelle Jacques…Le titre fait référence à un jeu d’enfants bien connu, dans lequel un meneur de jeu donne des ordres, qui doivent être suivis ou pas, selon qu’on a dit ou pas « Jacques a dit… » On connaît ça… ! Et c’est, bien sûr, l’indice que ce prénom est très connu et très fréquent…
Et Jacques est un prénom si ancien et si fréquent qu’il porte avec lui des significations, des échos, qui ont pu changer avec les siècles.
Il dérive de l’hébreu, Jacob, fils d’Isaac et grand personnage de l’Ancien Testament. Mais il prénomme également Saint-Jacques le majeur, l’un des apôtres, frère de Saint-Jean, Et Saint-Jacques le Mineur, donné pour cousin de Jésus…
Jacques (en français, mais aussi, James, Jakob, Jaime, etc.) est donc l’un des grands prénoms chrétiens… Avec une histoire du prénom changeante… Très désuet aujourd’hui en France, il l’était déjà pendant tout le XIXème siècle… mais est devenu l’un des prénoms les plus fréquents dans la bourgeoise des années 30… Ce qui est étonnant, car ce prénom avait auparavant une réputation très populaire et même très paysanne.
Quelques exemples littéraires en portent témoignage : Jacques le Fataliste et son maître au XVIIIème. Ou le Maître Jacques, alternativement cocher et cuisinier, dans l’Avare, au XVIIème.
Mais ni Jacques le Fataliste, ni Maître Jacques ne sont paysans. Et Jacques est pourtant le nom presque générique du paysan du Moyen-âge, à une époque où d’ailleurs, les paysans n’ont pas de patronyme… Pas de nom de famille, juste une façon de se dénommer… de se reconnaître… Et le paysan s’appelle donc Jacques ou Baptiste…
Et ce qui ancre encore plus cette tradition, c’est le nom de jacquerie qu’on a donné aux révoltes paysannes, en général, à ces embrasements soudains qui font que les paysans, craignant la disette et les corvées, vont parfois égorger le seigneur et sa famille, brûlant le château par dessus le marché dans ce qu’on appelle aussi une « moisson rouge ». Mais la première Jacquerie est une révolte d’importance, en mai-juin 1358, dans le Nord de l’Ile-de-France, menée par Guillaume Cale à une période un peu troublée, et noyée dans le sang par Charles le Mauvais. Elle était pourtant plutôt le fait des laboureurs, paysans relativement aisés qui craignaient que l’Histoire ne rognât sur leurs avantages. Mais le nom, péjoratif, un peu méprisant, s’est attaché depuis aux flambées de colère paysannes.