FEU
Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras
La rentrée théâtrale nous offre plus d’un sujet cette année. Ainsi ce spectacle, intitulé « Feydeau, c’est fou ! » allusion plaisante à un slogan conçu pour faire vendre une eau minérale gazeuse. Sous cet intitulé, se retrouvent regroupées deux courtes pièces de Feydeau : « Mais n’te promène donc pas toute nue ». Et « Feu la mère de Madame ». Notons en passant l’alacrité de ces titres, souvent injonctif, comme ailleurs, « Occupe-toi d’Amélie ». Le tutoiement, l’impératif, nous entraînent tout de suite dans une atmosphère particulière : la familiarité bourgeoise de la scène de ménage…Mais « Feu la mère de Madame » demande quelques explications. « Feu la mère… » signifie que la mère de Madame est morte. On ne s’exprime plus comme ça aujourd’hui, sinon de façon très administrative… ou pour rire… Mais, l’expression est encore tout à fait comprise… Et même, en général, bien employée, bien que son emploi ne soit pas facile… « Feu » précède la désignation de la personne dans son ensemble : « Feu la mère de Madame », « feu Monsieur le Comte », « Feu Manuel Rosenthal ». Mais, on peut également placer ce petit mot après l’article : « le feu roi », « la feue reine ». Quand le mot est placé en tête du groupe nominal, il reste invariable : « feu la mère »… Lorsqu’il est placé après l’article, il s’accorde… « La feue princesse »…
On aurait tort de croire à un rapport quelconque avec le feu. Le mot se rattache à la famille de fatus, le destin en latin… et signifie « son destin est achevé »… il est allé au bout de la vie que les dieux lui prêtaient.
Naguère, lorsque l’expression était plus usitée, elle signifiait d’ailleurs que le décès était récent. Et même encore aujourd’hui, on l’emploie pour des gens que des vivants ont connus : on ne parlerait pas, même pour rire, du « feu roi Louis XV ».
Des expressions plus ou moins synonymes ? Il en existe au moins deux, guindées certainement, mais ne jetons pas la pierre : on est toujours guindé et mal à l’aise quand il s’agit de parler de la mort .
On peut employer le mot « défunt »… Le « défunt » roi… Ou parfois le participe « regretté », ce qui est plus proche.. mais en même temps plus effectif que « feu ». Puisque ça indique qu’on tient à souligner un lien personnel, une tristesse, un regret. (c’est le mot qui figure traditionnellement sur les pierres tombales).
Citons pour finir l’adjectif « pauvre »… utilisé aussi dans un sens proche. Pour exprimer le regret, et parfois, montrer qu’on compatit, qu’on s’associe à la douleur d’un plus proche, auquel on s’adresse «Comme le disait souvent votre pauvre maman… »