NON

Par: Yvan Amar et Anne-Cécile Bras

L’ombre du référendum qui plane au-dessus du projet de constitution européenne fait parler les hommes politiques par monosyllabes… Oui ? Non ? Mais l’homme politique, bien souvent, aime échapper à l’alternative sommaire de la réponse référendaire. Des années après le « oui » franc et massif demandé par le Général De Gaulle dans les années 60, et le « oui mais… » de Valéry Giscard d’Estaing, après les très nombreux « oui en conscience », « oui décomplexé », « oui allègre et communicatif », voilà que s’est illustré le « non sauf si … ! »

On a compris, en tout cas, que oui et non, qui sont au départ des adverbes, sont souvent utilisés comme des noms communs : le oui et le non…
Mais ce sont, en plus, des mots qui ont cette particularité de correspondre à des actes : le fait de les prononcer est un acte, considéré comme tel, qui a une conséquence sur la réalité…

Quelques exemples ? Le plus célèbre est le « oui » qu’on prononce devant Monsieur le Maire, pour se marier, pour répondre à la question rituelle, posée par ce représentant de l’ordre public : « Anne-Cécile Bras, acceptez-vous de prendre pour époux Monsieur Léon Ravaillac, ici présent ? » Si vous répondez oui, si Ravaillac répond oui également, c’est fait ! C’est ce qu’on appelle un performatif ! Eh bien, les réponses aux questions des référendums sont bigrement performatifs.
Et non, puisque c’est le mot qui nous intéresse est, lui aussi, étonnamment performatif. Notamment lorsqu’il sert de défense, d’interdiction. (Médor est dans le jardin… Il s’approche de la porte du pavillon, hésite, s’enhardit… Quand un mot, un seul, le fige sur place : ‘NON’ ! La voix de son maître a parlé ; le chien ne rentrera pas dans la maison).
Et c’est souvent le cas…

En ce sens, le « non » est beaucoup plus fort que le « oui » : c’est un performatif plus puissant.
On se souvient, peut-être, à ce propos d’une campagne publicitaire menée par une grande banque française, il y a quelques années, et dont le slogan était « le pouvoir de dire oui ». Campagne publicitaire dont l’impact avait été très modéré… En effet, le slogan était mal choisi : Symboliquement, le pouvoir, c’est de pouvoir dire « non » et non pas « oui ».
Le « oui » est un assentiment, souvent d’ailleurs un signe d’obéissance (on parle du béni oui-oui…) Alors que le « non » est le signe d’un refus, d’une force, d’une volonté qui s’oppose. Et on se souvient peut-être du titre d’un spectacle beaucoup mieux choisi – et on en revient de nouveau à De Gaulle : « Celui qui a dit non ! »