CHRONIQUE D’UNE MORT ANNONCÉE

Par: Yvan Amar

Parmi tous les clichés qui ont la faveur des médias ou du monde des spectacles, il en est un qu’on a entendu à peu près à toutes les occasions, et avec toutes les variantes possibles : « Chronique d’une mort annoncée »… qui est, au départ, le titre d’un roman du grand romancier colombien Garcia Marquez… et qu’on a retrouvé sous les formes « Chronique d’une défaite annoncée », « d’une victoire annoncée », « d’une éviction annoncée »…. Ce titre, étrangement, a eu un retentissement et un succès infiniment plus grands que le roman lui-même. Plus étrange encore, on l’a relativement peu entendu, ces derniers jours… alors que, pour une fois, on est dans l’exacte situation où cette formule serait pertinente, au sens littéral. Mais, on peut noter, de façon très compréhensible d’ailleurs, l’embarras journalistique entourant les derniers jours de Yasser Arafat : une mort annoncée, au futur (elle est inévitable, le coma est irréversible…) alors qu’elle n’était pas encore annoncée au présent : « Yasser Arafat EST mort ».

Alors comment les journaux s’y sont-ils pris ?
Habileté du Figaro, par exemple, qui titrait vendredi dernier sur « la fin d’Arafat »… ce qui pouvait être interprété de diverses manières… fin de vie, fin de règne, fin d’une époque… et qui n’impliquait pas qu’on était arrivé jusqu’au bout de la « fin »… La fin justement, était en cours…
L’Humanité s’en tire bien également , en titrant sur le « dernier combat » d’Arafat : on dit bien que c’est le dernier… pas d’équivoque sur l’issue du combat, puisqu’on déclare qu’il n’y en aura plus d’autres après.
Quant au Monde, il a utilisé plusieurs fois le terme d’agonie (Confusion et bataille autour de l’agonie d’Arafat…). Mot un peu étonnant, puisqu’à l’ordinaire, il est réservé à une lutte ultime contre la mort, lorsque le corps, même perdu, se défend… Mais, me direz-vous, il en est de même pour le « dernier combat » dont on parlait à l’instant…. Soit… mais il n’y a pas que ça. L’agonie évoque une souffrance, une mort douloureuse… beaucoup plus que l’inconscience que suppose un coma…
Alors, aujourd’hui, c’est bien davantage l’après Arafat qui est évoqué. Et là encore, c’est un cliché que l’on retrouve souvent, pour marquer qu’on s’interroge sur ce qui a suivi une période donnée. Surtout quand elle était très marquée par un homme, une personnalité…