MISS

Par: Yvan Amar

C’est demain qu’on élit la nouvelle Miss France, au Palais des Congrès de Tours. Et même la nouvelle Miss Monde, à Sanya, en Chine. C’est demain donc que des jurys vont se réunir pour examiner, avec toute la froideur technique que requiert leur fonction, le galbe, la plastique, le maintien des jeunes filles qui défileront dans diverses tenues plus ou moins déshabillées sous le regard de leurs juges. Je ne suis pas sûr que l’image, le statut, l’identité des femmes y gagnent beaucoup. J’ai même bien peur que ce genre de manifestation soit particulièrement dégradante, non seulement pour les candidates, mais pour les femmes, en général… et même pour les hommes… Mais, les faits sont là… et les lauréates de ces concours de beauté, on les appelle des miss.

« Miss » est un mot anglais… qui correspond plus ou moins à « mademoiselle ». Il s’emploie, en effet, devant un prénom, un nom, ou tout seul parfois. Mais, pourquoi ce nom anglais en français ? Sa présence, sa compréhension est assez ancienne dans notre langue. Mais, c’est surtout vers la fin du XIXème siècle qu’on le voit se répandre. A l’époque, l’Angleterre est très à la mode. Et elle passe pour être le pays des bonnes manières. De là, la mode, dans les bonnes familles, de faire venir des gouvernantes anglaises pour s’occuper des enfants. Qu’on appellera parfois des nurses, surtout quand elles s’occupent de très jeunes enfants (et on a encore le mot « nurserie », ou « nursery »… pièce réservée aux enfants, où l’on s’occupe des enfants…). Ce n’est pas la bonne donc… elle est censée transmettre les principes éducatifs qu’elle a reçus et même qu’elle incarne de façon presque magique, vu sa naissance et sa langue maternelle… elle est raide, stricte et dévouée… Et elle se tient aux marges de la domesticité… entre la domestique et la parente pauvre… On l’appelle, en général, par son prénom… mais précédé de Miss. Ou parfois par son nom de famille… Miss Thomson…

Le mot « miss » a également été très utilisé dans les milieux du spectacle… Là encore, on est en face de vieilles traditions ambiguës quant à la position des femmes, à la fois trop et trop peu considérées… De même qu’on appelait « Mademoiselle » les comédiennes, quel que soit leur statut social et matrimonial, on appelait « Miss » les actrices… Miss Taylor, même quand Elizabeth Taylor était l’épouse très connue et très officielle de Richard Burton.
D’autre part, le mot s’était répandu pour appeler une jeune fille anglaise, quelle qu’elle soit. Et la vogue anglomane a fait que, de temps en temps, le mot s’est employé pour appeler une jeune fille : « bonjour Miss… » « Tu salueras la miss pour moi… » Et aujourd’hui, on a une survivance de ce genre d’emploi grâce à ces concours de beauté… : « Fais pas ta Miss Monde ! »