CHUTE
Par: Yvan Amar
La chute… C’est le titre d’un film qui vient de sortir en France, après être sorti en Allemagne, et qui relate les derniers jours de la vie d’Hitler, jusqu’à son suicide dans son bunker… Et le film, d’ailleurs, suscite une polémique autour de la façon dont la personne d’Hitler est traitée et montrée. Rien, dans ce titre, ne laisse imaginer a priori le sujet historique du film : il pourrait s’agir de n’importe quelle chute… On peut, d’ailleurs, noter au passage que ce titre a déjà été utilisé par Camus pour l’un de ses plus beaux récits.Alors de quelle chute s’agit-il ? Celle d’Hitler ? Celle du IIIème Reich tout entier ? L’un se confondant avec l’autre ? On peut remarquer que ce mot de « chute » est souvent utilisé pour désigner la fin d’un régime : la chute de la royauté. Ou d’un chef d’Etat, en général d’ailleurs un potentat… la chute de Napoléon, de Mussolini. Voire d’une ville, quand elle symbolise un certain pouvoir : la chute de Saïgon. Et, dans ces emplois, « chute » est toujours ou presque synonyme de disparition violente, tumultueuse, brutale… Un effondrement. La chute n’est donc pas l’échec… Sauf s’il s’agit d’un échec retentissant…
Mais, par exemple, parlerait-on de chute à propos de l’échec à l’élection présidentielle de 1981 de V. Giscard d’Estaing ? Une défaite, un échec… mais pas une chute.. même s’il était président sortant.
Toutefois, on peut faire une exception en se rappelant les régimes parlementaires des IIIème et IVème Républiques, par exemple… On parlait de la chute d’un gouvernement, de la chute du Président du Conseil… On disait même « Telle affaire pourrait bien faire chuter le Président du Conseil ! » Et l’image était parlante, car ces échecs pouvaient être très soudains…
Cela dit, la chute est souvent une forme accélérée de la décadence… Ce qui se trouve dans d’autres domaines que la politique : souvenons-nous de la Chute de la maison Usher, belle nouvelle d’Edgar Poe.
Au sens figuré toujours, la chute peut évoquer une baisse brutale et inattendue : chute de température, de popularité…
Mais, au sens propre, le mot « chute » évoque souvent ce qui tombe alors que ça ne devrait pas tomber (la chute d’une statue, de quelqu’un qui tombe, ayant glissé sur le verglas… Mauvaise chute !)
Pourtant, le mot s’applique également à ce qui tombe de façon tout à fait naturelle : chute d’eau, chute de neige, chute des feuilles… Ce qui tombe du ciel… quoi.
Alors, terminons avec un peu d’étymologie… D’où vient-il ce mot « chute » ? Du verbe « choir »… Mais, le bizarre de l’affaire est que le verbe est presque sorti d’usage… En tout cas, il n’est pas d’usage courant. « La bobinette cherra » n’est plus compris aujourd’hui alors que le Petit Chaperon rouge comprenait parfaitement la phrase au XVIIème siècle. « Il a chu dans le ruisseau… » est plaisant… Il n’y a guère que l’infinitif « choir » qui soit encore employé… « Il m’a laissé choir »… pour « il m’a laissé tomber »… Là encore, c’est plaisant… mais on comprend !