CALIFE A LA PLACE DU CALIFE
Par: Yvan Amar
C’est aujourd’hui que sort en France un nouveau film intitulé « Iznogoud »… Film, on le sait, tiré d’une bande dessinée célèbre, dont les personnages font maintenant partie de l’imaginaire français. Si le petit monde d’Iznogoud a eu du succès, cela se mesure à cela seul que certains traits de ces histoires sont même connus de ceux qui ne les ont jamais lues. Ainsi, la phrase qui est devenue un cliché figé : « Il veut être calife à la place du calife. » Son sens est simple. Il exprime le désir profond de celui qui veut prendre le pouvoir. Et donc éliminer celui qui le possède. Mais, la phrase est amusante : Le malheureux vizir ne dit pas qu’il « veut être calife »… ni qu’il « veut prendre la place du calife »…Mais, il utilise cette répétition délibérément maladroite : être calife à la place du calife… Ce qui donne un caractère à la fois sot et enfantin à ce dessein à la fois noir et naïf. Régression, envie, mauvais sentiments… ce qui fait rire est justement l’exagération du trait. Iznogoud est un stéréotype, méchant et prévisible, en même temps qu’il est bête et inefficace… Car le malheureux n’arrive jamais à ses fins. Et sa phrase récurrente est souvent citée lorsqu’on veut mettre à nu les intentions profondes de quelqu’un, qu’on révèle ainsi être aussi basses et primaires que celles d’Iznogoud.
Et dans cette phrase, le mot « calife » symbolise le pouvoir, et même le pouvoir absolu, sans partage, sans limite, pouvoir du caprice d’un seul. Et, de turbans en babouches, l’imagerie d’Iznogoud se situe dans un Orient de bazar et de pacotille : on sait que « calife » est le nom de certains souverains musulmans, mais il évoque cet Islam ancien qui séduisait, fascinait, faisait peur… cet orient mystérieux que révèle ces mots de « calife », de vizir (conseiller du souverain… le grand Vizir faisant fonction de Premier ministre dans l’empire Ottoman, il est par définition celui qui tente t’être calife à la place du calife…)… tout ce monde d’intrigues que recèle, pense-t-on, le sérail. « Sérail », c’est-à-dire palais du sultan de Constantinople, ou palais des potentats orientaux en général, qui renvoie à toute une rêverie de Schéhérazade… « Nourri dans le sérail, j’en connais les détours », dit Racine déjà dans Bajazet, au XVIIème siècle.