PARTAGE
Par: Yvan Amar
« Le partage de la croissance, c’est l’objectif du Gouvernement » C’est Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre français, qui a prononcé cette phrase. Et on sent bien qu’elle constitue un élément de réponse aux manifestations importantes qui se sont déroulées en France, la semaine dernière, et qui ont révélé l’importance du mécontentement populaire. Donc, le Ministre semble vouloir calmer le jeu… Nous souhaitons partager la croissance… On sait, en effet, que l’économie française ne va pas si mal, pour les entreprises… et que la progression du pouvoir d’achat a diminué pour beaucoup. Devant cette situation, jugée par beaucoup comme injuste, le Gouvernement jure qu’il se préoccupe de partage…Le mot, en effet, est tout à fait positif. Ce qu’on partage, c’est ce qu’on coupe, qu’on morcèle, qu’on divise, au départ dans le but de le répartir (encore un mot de la même famille, partager et répartir…) entre plusieurs. Et, au départ, le mot se trouve dans le vocabulaire de l’héritage : le partage, c’est la répartition des biens du défunt entre les héritiers… On sait combien ce genre de partage peut être âpre… Le partage, par extension, est donc devenu, plus ou moins l’héritage, le bien partagé…. Et c’est comme ça qu’on comprend l’expression « en partage »… Et c’est ce qui explique la formule assez astucieuse d’après laquelle les pays francophones ont le français en partage… Formule assez rusée, puisqu’elle permet, sous une apparence poétique, et vague, d’englober des pays où quelques personnes… mais pas forcément beaucoup… sont susceptibles de parler cette langue… Mais bon !…
Pourtant, le sens général du partage depuis longtemps suggère la générosité… On partage ce qu’on a… Avec les autres… On ne garde pas tout pour soi. On a, en tête, l’image de Saint-Martin, qui coupe en deux son manteau pour en donner la moitié au pauvre qui a froid.
Même si les mathématiques ont accepté l’idée de partage inégal, on sait bien que le mot suggère en général une certaine équité.
Quelques dérivés de partage… « Partageur », celui qui partage volontiers… d’où est issu « partageux », mot péjoratif qui date de la moitié du XIXème… Mot terrible, de crainte et de haine… Mot des bourgeois qui désignaient ainsi les socialistes et, plus tard, les communistes… ceux qui s’en prenaient au principe de propriété… Ceux dont on craignait qu’ils ne vous prennent tout… pour le partager…
Quant au verbe « départager »… il a un sens tout autre, puisqu’il signifie trancher dans un différend entre deux personnes… Le mot s’emploie dans le langage courant… quand on fait appel à une autorité supérieure pour régler un désaccord… et même au tribunal, quand un nombre de juges pairs n’ont pu se mettre d’accord…
Et le mot enfin est employé dans certains sports… pour désigner les derniers points, qui feront basculer le match…