DIRECTIVE

Par: Yvan Amar

La « directive Bolkestein » est-elle un mauvais coup pour l’Europe politique ? Encore faudrait-il savoir ce que c’est. Non pas le contenu de cette directive qui, paraît-il, construit un pont d’or au plus terrifiant des libéralismes, qui nous interloque… Mais bien plutôt le mot directive, lui-même…

Attention ! Souvenons-nous que chaque administration a son jargon… Et ce n’est pas le plurilinguisme de l’Europe bruxelloise qui l’empêchera d’avoir le sien. « Directive » est donc un mot spécifique de ce microcosme, pour désigner un texte, disons un rapport, à la grande rigueur une préconisation… Et c’est peut-être ça qui a fait tellement peur… Quand un texte se présente sous l’intitulé « directive »…. on a l’impression qu’il a plus ou moins force de loi… Car le mot « directive » existe, bien sûr, en dehors du petit monde des bureaucrates de l’Europe, et avec un sens assez fort.

« Directive » vient, bien sûr, de direction, de diriger… « Donner une directive », c’est donc diriger, montrer le chemin, en tout cas. Et le mot arrive en français, emprunté à l’allemand, avec un usage plutôt militaire. Une directive indique ce qu’il faut faire, la marche à suivre… Un ordre alors ? Pas tout à fait. Est-ce moins impératif qu’un ordre, alors ? A-t-on le choix de la suivre ou pas, cette directive ? Pas vraiment non plus… Mais disons que c’est plus vague, plus large… « Arrêtez toutes les voitures au barrage ; ne laissez passer personne ! » C’est un ordre ! C’est précis.
« Soyez très ferme et méfiez-vous des faux papiers ! » C’est plus flou… on peut dire que c’est une directive… La directive est donc plutôt une façon de faire qu’on enjoint à ceux qu’on a sous ses ordres… façon de faire ou de ne pas faire d’ailleurs… Et en cela, le mot se rapproche de « consigne »…

Mais, l’adjectif « directif » ne correspond pas exactement à « directive »… Il s’est répandu ces dernières années, avec un sens bien différent de sa première signification, presque abandonnée, tout à fait concrète, qui signifiait : donner une certaine direction, quand on imprime un mouvement.

Mais, « directif » a pris un sens bien plus psychologique… Ainsi, parle-t-on d’entretiens directifs, et d’entretiens non directifs… On peut aussi dire d’un patron qu’il est très directif… Il vous dit tout ce que vous devez faire, laisse peu de latitude à votre initiative… En revanche, s’il n’est pas très directif, il vous dira le but à atteindre, en vous laissant prendre votre autonomie… A vous de vous débrouiller pour l’atteindre.
Le mot s’emploie souvent aussi à propos d’un metteur en scène. Très directif, il précise les gestes, les attitudes, les déplacements… Non directif, il imprime une direction générale, travaille sur le sens, le climat, laisse l’improvisation donner ses propres directions.