LA JOCONDE

Par: Yvan Amar

La Joconde, femme du jour, ou tout au moins de la semaine… Tout le monde en parle depuis qu’on l’a réaménagée au Louvre, sous une vitre spécialement conçue, sur un mur où l’on ne voit qu’elle! Mais, la question qui me taraude, vous vous en doutez, c’est… pourquoi la Joconde s’appelle-t-elle la Joconde !

Pour tout comprendre, revenons au tout début du XVIème siècle, vers 1503, à Florence où réside le peintre Léonard de Vinci. Un bourgeois fortuné serait venu, dit-on, lui commander un portrait de sa femme… Pratique courante à l’époque où la photographie n’existe pas, et où, pour garder le souvenir des traits de ses proches, on doit avoir recours à la peinture… On commande souvent des miniatures, des portraits plus grands quand on est plus fortuné… Et la question est là : commander un portrait de sa femme, c’est asseoir sa notoriété sociale… Le commander à Léonard, dont la gloire est déjà bien assise de son vivant, c’est montrer qu’on peut se payer le plus grand peintre de son temps. Et c’est ce que fait Francesco del Giocondo. Et sa femme sera, donc, en peinture la femme de Giocondo, la Gioconda. Il est fréquent, en Italie de faire précéder le nom de famille de l’article… Et l’habitude est, d’ailleurs, passée en français, pour parler de femmes célèbres, et publiques : des images de divas, notamment chez les cantatrices et les comédiennes… La Patti, La Tebaldi, la Callas… avec la plupart du temps, ça s’entend, un souvenir de l’Italie (La Callas était grecque ? Soit… Est-ce si loin ?) Et voilà comment on a traduit en français cette Gioconda, sans qu’on soit conscient que cette Joconde est la femme du Jocond.

Tout ça n’explique pas pourquoi on l’appelle aussi souvent Mona Lisa… C’est que Lisa était l’authentique prénom de cette demoiselle Gherardini. Qui se maria donc… et qu’on appela ensuite… Madame… Ou plutôt Madonna. Ce mot qu’on connaît bien en français est, en général, associé à Marie, la mère du Christ… la Madone… Mais, il est vrai que si on le décompose, on trouve… ma… donna… C’est-à-dire littéralement ma dame.
Et en italien, ce dernier mot s’abrège… Madonna, devient Monna… qu’on écrit plus généralement, en France, Mona… (de même que Madonna, avec deux n, devient Madone avec un n).

Le problème est qu’on n’a jamais su si ce portrait était bien celui de Madame Lise… Et cette peinture a multiplié les énigmes : en effet, elle ne fut jamais livrée à son commanditaire, puisque Léonard, invité en France par le roi François Ier, quitta l’Italie la toile sous le bras et l’offrit, pour finir au roi de France…
Je dis « la toile sous le bras »… je vais un peu vite… La Joconde est peinte sur un panneau de bois… de peuplier, pour être précis… Donc, il ne s’agit pas exactement d’une « toile ». Pourtant, l’usage est si répandu d’appeler « toile » une œuvre peinte, que cette formulation ne passe pas vraiment pour une faute… même si c’est une bourde aux yeux des connaisseurs…

Un dernier mot sur les mots liés à « la Joconde » : le peintre… comment s’appelle-t-il ? Comment l’appelle-t-on ?
Léonard de Vinci, on le sait. Mais souvent, on a l’impression que de Vinci est son nom de famille… comme si c’était un noble. Alors que c’est seulement sa ville de naissance…