EXCEPTION CULTURELLE
Par: Yvan Amar
« Exception culturelle : le cinéma français repart en guerre ». Titre de Libération d’hier, qui replace cette notion d’exception culturelle au centre des débats, puisqu’on se demande si l’Etat pourra accorder des aides aux films français produits par des Américains, ou inversement aux films produits aux Etats-Unis, avec des équipes largement américaines, grâce à des capitaux français.Mais, qu’est-ce donc que l’exception culturelle ? On appelle, ainsi, le traitement particulier qu’on a tenté d’imposer aux marchandises culturelles. C’est à dessein que je parle de marchandises culturelles. Car la culture, les films, les livres, le théâtre, les concerts, se consomment, se vendent, s’achètent, n’échappent pas totalement aux lois commerciales. C’est pourquoi on voulait faire une exception, en ne les traitant pas exactement comme d’autres marchandises, en les protégeant, pour sauvegarder leur existence, assurer leur survie… Pour que, par exemple, l’industrie cinématographique américaine n’étouffe pas totalement la production française... Donc, pour que les lois qui s’appliquent aux voitures et aux pantalons, puissent ne pas s’appliquer mécaniquement aux productions de l’esprit…
Mais, attention, une erreur d’appréciation est souvent commise à propos de cette fameuse exception : on a tendance à prendre cette expression – exception culturelle française - comme un jugement de valeur sur la culture française… comme si la culture française était exceptionnelle, comme si sa qualité éclipsait les autres cultures, du seul fait du génie de la France… Ce qui est totalement erroné ! Il ne s’agit pas de dire qu’on est meilleur que les autres… mais simplement que la puissance économique d’un pays ou d’un groupe ne doit pas bâillonner l’expression culturelle de groupes moins riches.
Exception est un mot d’origine savante, dont l’étymologie est assez éclairante. Ex capere = tirer hors de, donc sortir du lot commun, mettre de côté. L’exception est donc le cas qui échappe à la règle commune, au lot commun… On dit, d’ailleurs : « C’est l’exception qui confirme la règle… » Ce qui signifie « Si telle ou telle chose est considérée comme exceptionnelle, c’est bien qu’il y a une règle – pas absolue certes – mais une règle générale à laquelle échappe parfois un cas ». La règle souffre donc des exceptions – là aussi, c’est la façon consacrée de s’exprimer… Souffre, c’est-à-dire supporte, accepte…
L’exceptionnel est extraordinaire. Et le mot se trouve parfois pour désigner des institutions extraordinaires : tribunal d’exception, juridiction d’exception…
Quant à « excepté », c’est une préposition qui, en gros, est synonyme de « sauf », bien qu’elle soit plus rare, et qu’elle ait un côté plus administratif : tout le monde est invité, excepté ceux qui portent des chapeaux rouges, sur lesquels ils ont planté des jonquilles… C’est, au départ, le participe passé du verbe excepter, mais il n’est plus senti comme ça, et ce verbe est d’un emploi plutôt rare : j’excepte de mes amis ceux qui mettent des jonquilles à leur chapeau, lorsque celui-ci est rouge… Ça peut se dire, mais ça se dit peu…