BOUC EMISSAIRE

Par: Yvan Amar

Des associations accusent le plan Villepin de faire des étrangers « des boucs émissaires ». C’est un titre que j’ai relevé dans le Monde daté d’aujourd’hui… Je ne souhaite pas du tout me prononcer sur le fond du débat, mais simplement éclairer le sens et l’usage de l’expression bouc émissaire… Le plan du ministre de l’Intérieur français a suscité des réactions contrastées dans le monde politique et associatif… Certains le critiquent donc, en disant qu’il pourrait avoir une conséquence fâcheuse : faire des étrangers des boucs émissaires, c’est-à-dire faire porter aux étrangers des responsabilités qui ne sont pas les leurs, les rendre responsables de certains malheurs ou points noirs de la vie actuelle alors qu’ils n’y sont pour rien… Mais, ce n’est pas tout… Dans l’idée qu’il y a des boucs émissaires, on a aussi l’idée qu’on cherche à détourner l’attention… On pointe le doigt sur de faux coupables, pour que le public… en s’y intéressant, oublie d’autres problèmes, se focalise sur un point… et donc en oublie d’autres… Double fonction donc de ces boucs émissaires.

L’histoire de l’expression nous fait remonter loin dans le temps, puisqu’elle trouve son origine dans la Bible. Et dans un geste symbolique, un rituel d’absolution, de purification. Tous les ans, au jour de l’Expiation, le grand prêtre du peuple d’Israël déchargeait les pêcheurs de leurs pêchés. Et tout un rituel sacré permettait d’en charger un animal, un bouc… qui se retrouvait coupable pour tout le monde… On n’avait plus ensuite qu’à chasser le bouc dans le désert… Il quittait la tribu emportant tous les pêchés avec lui…
On a donc compris pourquoi il s’agissait d’un bouc ! Mais pourquoi « émissaire »… Le mot est difficile… Il signifie, en effet, envoyé (il est de la même racine que le mot mission, missionné…) et, en effet, le bouc est envoyé… dans le désert. Mais, ce mot d’émissaire, dans l’expression qui nous occupe a une autre origine, même si les deux se sont confondues… Il traduit un mot latin qui signifie « qui écarte les fléaux, les catastrophes… et ce mot était la traduction d’une expression de l’ancien hébreu qui signifiait « destiné à Azazel… », le mauvais ange.

Mais, les animaux de cette famille ont souvent mauvaise presse… Bizarre, pour des bêtes souvent très pacifiques… Le mouton noir, par exemple. Que citait, il y a à peine quelques jours, Jacques Chirac… Pourquoi est-il montré du doigt… Parce que les moutons sont blancs, en général. Et que le blanc est la couleur de l’innocence, et le noir, celle de la… noirceur… des mauvaises pensées… Peut-être parce que le mouton noir évoque justement le bouc… mauvaise odeur, mauvais caractère qu’on lui prête…

Mais, au-delà de tout ça, on a également l’image de la brebis galeuse… celle qu’il faut éloigner du troupeau pour qu’elle ne le contamine pas… puisqu’elle est malade et qu’on la dit contagieuse… Image strictement inverse du bouc émissaire qui part avec les maux des autres…