DUMPING
Par: Yvan Amar
Le « dumping », un mot qui fait peur ? Pas vraiment... c’est la chose qui fait peur, plus que le mot… Mais, les médias s’en gargarisent (certains d’entre eux d’autant moins), le mot est encore assez mal connu… C’est cela qui peut-être fait le plus frissonner : qu’on utilise un mot sans trop savoir ce qu’il veut dire…Qu’est-ce que c’est ? Essentiellement, l’expression recouvre deux pratiques : ou bien on délocalise… c’est-à-dire on fait fabriquer à l’étranger à moindre coût… Au lieu qu’un producteur fabrique dans son propre pays les produits qu’il veut commercialiser, il les fait fabriquer ailleurs…dans un autre pays où les salaires sont plus bas, et où les charges sociales sont moins lourdes, et où le droit du travail est moins favorable aux travailleurs (durée du travail, protection sociale, assurance-maladie, etc.).
Ou bien c’est une pratique inverse… on ne délocalise plus la fabrication… on attire dans le pays des travailleurs étrangers… à condition qu’on les fasse travailler à des conditions qui sont celles de leur pays d’origine. En France, par exemple, c’est interdit… Soit… Mais dans certaines branches, les législations sont compliquées, ou floues… notamment, lorsque ça concerne des travailleurs dont le travail est nécessairement transfrontalier… marins, routiers, déménageurs… par exemple. Et on dit que certains employeurs peu scrupuleux en profitent… Et que certains contrats de travail, à condition qu’ils soient temporaires peuvent s’accommoder avec la loi… Pourquoi en parle-t-on, en ce moment, plus que d’habitude ? Parce que l’enjeu européen est important… La crainte que ces procédés ne se généralisent est donc très utilisée dans le débat politique actuel.
Le mot anglais est ancien dans le vocabulaire économique français. Et le « dumping », avant d’être qualifié de social, et de concerner l’emploi, désignait seulement ce qu’on appelle en français la vente à perte… : vendre un produit au-dessous de son prix de revient… ce qui est considéré comme une concurrence déloyale… même si c’est dans le cadre d’un prix d’appel provisoire…
C’est pourquoi il ne faut pas penser que la chose, ni même le mot sont si récents… cet anglicisme apparaît, en français, dès le début du 20ème siècle, dans des emplois équivalents à l’image française de « casser les prix ». Bien que cette image, en français, ne soit pas forcément péjorative… Bien sûr, on dit casser les prix, casser le marché pour parler de quelqu’un qui propose des prix inférieurs à la norme et ruine la concurrence… Mais, l’image est aussi utilisée pour appâter le client… Et on la trouve, par exemple, dans de nombreux slogans publicitaires… On casse les prix ! On écrase les prix ! On pulvérise les prix !…
Pourtant, le sens littéral de dump en anglais n’est pas celui de casser, mais plutôt celui de décharger, notamment dans le cadre de marchandises… Et si on les décharge trop brutalement, elles tombent par terre… se cassent… A moins que le fait de décharger n’allège le contenant d’origine… et rende le prix plus léger… Peu importe en français, puisque l’image de départ n’est pas du tout comprise. Le mot, lui, l’est assez bien, d’autant que depuis longtemps, il s’oppose à un autre anglicisme : antidumping, qui a qualifié notamment les lois qui tendaient à empêcher et à sanctionner de telles pratiques.