CHEVAL DE BATAILLE

Par: Yvan Amar

Durant cette journée mondiale de lutte contre la drogue, il a été dit et redit que cette lutte était le « cheval de bataille » de nombreux chefs de gouvernements… plus encore de nombreuses personnalités politiques pendant leur campagne électorale (quelle que soit, d’ailleurs, leur politique une fois leur campagne terminée).

Pourquoi « cheval de bataille » ? Quelle drôle d’image… comprise de presque tous, mais dont l’origine est surprenante !
Le sens de l’expression est donc bien connu : il s’agit d’un sujet de prédilection, dont quelqu’un parle souvent : « On s’est mis à discuter du temps qu’il faisait… Et hop ! Pedro a enfourché son cheval de bataille, et s’est mis à assassiner le réchauffement climatique ». On l’a compris, le réchauffement climatique est le cheval de bataille de Pedro… Non seulement, il en parle tout le temps, mais il en parle avec passion, exubérance… même peut-être avec excès… Car, si on souligne le fait que le réchauffement climatique est son cheval de bataille… c’est qu’on en est presque agacé… Qu’on s’en moque un peu, en tout cas… Et qu’on considère qu’il en parle trop… trop souvent… en manquant de distance… sans se rendre compte qu’il se répète, qu’il ennuie peut-être ses interlocuteurs. Un dernier mot sur les sujets qui peuvent être des chevaux de bataille : ce sont le plus souvent des réquisitoires… non seulement une idée qu’on a plaisir à exprimer, mais un sujet, une réalité, une menace qu’on veut combattre, dont on veut décrire tous les vices, qu’on aimerait terrasser comme Saint-Georges son dragon.

On a remarqué aussi que c’est pratiquement toujours le même verbe qu’on emploie avec cette image : enfourcher son cheval de bataille. Qui file la métaphore cavalière. Et donne bien cette idée de départ galopant : ça y est … c’est reparti… Le discours coule comme un cheval qui court…

Pourquoi « de bataille » ? C’est un peu mystérieux… On peut se dire, bien sûr, que pour la bataille on gardait son cheval le plus fougueux. On est loin du percheron… Et on aboutit aussi à cette idée que l’image évoque une discussion enflammée, batailleuse : on est dans le registre de la polémique.
… Et étymologiquement, polémique renvoie bien à l’idée de bataille… « polémos » en grec… L’expression vient-elle de l’anglais ? C’est possible ! En tout cas, elle existe dans cette langue… On y enfourche son cheval de bois, son hobby horse… comme si, justement, cette compulsion à parler toujours du même sujet était d’autant plus ridicule qu’on est dans le faux, le faire semblant, le jeu enfantin… Comme le cheval de bois qui imite le vrai…

En français, le dada… mot enfantin et familier qui, justement, représente un cheval jouet… Et qui est utilisé exactement dans les mêmes usages que « cheval de bataille ».