LIBRE PENSEE
Par: Yvan Amar
C’est le 4 juillet que s’ouvre, à Paris, le Congrès mondial de la libre pensée… Un congrès, donc, de « libres penseurs »... Mais, que veut dire cette expression ?... Le « libre penseur » est celui qui se déclare explicitement affranchi de toute pensée religieuse, de toute vérité révélée… Qui pense – ou prétend penser – le monde par lui-même, sans théologie, sans arrière-monde, et surtout sans Dieu.L’expression « libre pensée » et « libre penseur » ne naît vraiment qu’au XIXème siècle… même si, dès le milieu du XVIIème, on trouve ces mots exceptionnellement, comme traduction de l’anglais free thinker. La « libre pensée » ou, tout au moins, ses prémisses existaient déjà… mais, on parlait plus volontiers de « libertins » et de « libertinage »… On voit bien, d’ailleurs, la filiation entre les deux groupes de mots : « libertin » vient de « liberté »… comme « libre penseur »…
Le mot « libertin », encore courant aujourd’hui, avait au XVIIème siècle un sens bien différent… Aujourd’hui, le mot désigne un jouisseur, à l’abri des interdits moraux, que le défi à la morale exciterait plutôt, d’ailleurs, et qui est toujours en quête de plaisirs nouveaux : il est, d’une certaine façon, sans principe… Les échos sexuels du mot sont donc assez clairs… Mais, au XVIIème, même si cet immoralisme est induit par le mot, son sens principal est beaucoup plus intellectuel ou même philosophique : le « libertin » veut penser le monde sans le secours de l’Eglise. Il veut poser ses propres interrogations au mystère de la vie, sans se satisfaire des réponses toute prêtes que le dogme lui propose… Et parfois, dans la foulée… il en profite pour maltraiter la moralité publique… ça fait partie du jeu… C’est l’image de Dom Juan, le « libertin » parfait ! Trop parfait presque… Car, de Gassendi à Cyrano de Bergerac (le vrai… pas celui qui fut popularisé par Edmond Rostand, mais l’écrivain philosophe du XVIIème siècle), on a eu tout un courant de pensée qui essayait de se passer de l’idée de Dieu.
Etaient-ils donc « libres penseurs » ? Cette dernière expression est bien plus tardive, et assez militante… Elle se revendique (alors que les « libertins » étaient souvent obligés de se cacher… de ne pas avouer nettement leurs positions…) Etaient-ils donc « athées »… les « libertins » ? Non. Pas forcément, en tout cas… Ça ne voulait pas dire qu’ils ne croyaient pas en Dieu, mais qu’ils construisaient un système de pensée dont l’idée divine n’était pas le centre.
Le mot « athée » est nettement plus fort… Il réfute carrément l’existence de Dieu… par construction : a-thée… sans Dieu...
Quant à l’adjectif « agnostique », il est beaucoup plus récent (deuxième moitié du XIXème), et nettement moins fort… Il se situe bien plus dans une idée du doute, du non savoir que du rejet. L’agnostique, au départ, est celui qui pense que l’existence ou non de Dieu est une question à laquelle l’homme n’a pas les moyens de répondre, et qui dépasse son entendement. Mais, le mot est beaucoup moins anti-clérical que le mot « athée ».