PROCES EXEMPLAIRE
Par: Yvan Amar
Exemplaires ! C’est ainsi qu’ont été qualifiés deux procès dont les décisions ont été rendues publiques hier : le procès de la pédophilie à Angers, et celui qui jugeait l’affaire du Tunnel du Mont-Blanc. Les parties civiles, les associations de défense des victimes, les magistrats, les jurés… et même les journalistes… tout le monde a l’air content : ces procès ont rendu une vraie justice, en connaissance de cause. Procès parfaits ? N’exagérons pas : nul n’est parfait. Mais « procès exemplaires »… le mot est tellement répété qu’il en devient presque gênant.On peut, en tout cas, se demander ce qu’est un « procès exemplaire »… un procès qui donne l’exemple de ce que doit être un bon déroulement juridique… c’est le sens premier de l’adjectif… Et sa signification est souvent liée à une appréciation morale : voilà ce que vous devez vous efforcer d’atteindre, pour être… bon citoyen, bon chrétien, bon enfant, bon père, bon époux, etc. Ce geste qui montre ce qu’il est bon d’imiter appartient à un processus éducatif et moral… « Prenez donc exemple sur votre camarade… ». C’est l’idée du modèle qui est à suivre, de ce qu’il faut s’efforcer d’égaler… Et cette pédagogie de l’imitation est assez typique de l’éducation morale.
« Exemplaire » est donc, bien sûr, l’adjectif qui dérive d’exemple… un nom dont l’origine et l’évolution sont tout à fait étonnants.
Son premier sens, en français, est plutôt littéraire : un exemple est un récit d’une action qui mérite qu’on en tire un enseignement, puis le mot désigne simplement la leçon qu’on peut tirer d’une histoire, d’une situation. Ce qui va servir de modèle… ou de repoussoir. Mais, le mot est également employé dans un sens de dissuasion : un châtiment exemplaire… ça doit servir d’exemple… nous allons faire un exemple… Ce qui est bizarre… car là, on nous montre un exemple de ce qu’il ne faut pas imiter… Malgré le paradoxe, on comprend l’évolution du sens : la punition doit servir de leçon ; le sort du malheureux qu’on a châtié doit donner à réfléchir…
Plus étonnant encore, l’évolution du mot qui le fait sortir du cercle de la morale. Car, si l’exemple a commencé par être l’illustration de ce qu’il fallait faire ou pas… il est devenu l’illustration concrète d’une règle, d’une loi, d’une vérité abstraite… Un exemple de grammaire… qui montre l’application de la règle. Ou c’est l’anecdote qui rend vivant ce qu’on explique, qui vient l’attester… L’histoire du loup et de l’agneau, racontée par La Fontaine est bien un exemple que la raison du plus fort est toujours la meilleure…
Et c’est cet usage qui a abouti à la locution « par exemple » qui est si fréquente… «Il ne faut jamais accepter de bonbons d’un inconnu… Moi par exemple, j’en ai accepté un une fois… Eh bien j’ai eu mal à l’estomac pendant deux jours…»