NOCTILIEN

Par: Yvan Amar

C’est aujourd’hui le premier jour du noctilien… un nouveau bus qui est mis en service dans la région parisienne. De quoi s’agit-il ? D’un nouveau réseau de bus de nuit qui vont circuler entre minuit de demi et 5 h 30, c’est-à-dire pendant la période où le métro s’arrête de fonctionner. Ils relieront divers points de Paris à la banlieue, ou diverses banlieues entre elles. Mais l’important (pour nous), c’est son nom, noctilien. On le comprend facilement : c’est ce qu’on appelle un mot-valise, qui associe deux racines différentes : noct- qui évoque la nuit (nocturne…) et –ilien, dernière syllabe de l’adjectif « francilien ». Mot à mot, le noctilien serait donc le nocturne d’île-de-France. Puisque « francilien » est l’adjectif qui correspond à Ile-de-France. Un adjectif assez récent, dont la nécessité s’est fait sentir à partir du moment où l’on parlait bien davantage de l’Ile-de-France parce que la France se régionalisait, et que l’Ile-de-France était le nom officiel d’une Région. C’est donc vraiment un néologisme que « francilien », et un néologisme créé non pas par l’usage spontané, mais plutôt dans des documents officiels.
La Francilienne, par exemple, est le nom d’une autoroute qui entoure la capitale : non pas comme le boulevard périphérique qui suit le tracé de ses limites, mais bien plus au large.

Quant à notre « noctilien », son nom a également été savamment composé et inventé par des responsables de la RATP et de la SNCF qui se sont associées pour leur donner naissance. Les mots-valises ne sont pas une totale nouveauté pour la RATP. Elle avait déjà baptisé « noctambus » des autobus de nuit qui circulent depuis assez longtemps… La formation en était bien simple… à partir d’autobus. C’est d’ailleurs pour créer un effet de série, rattacher ce mot tout neuf à un autre déjà connu que le noctilien commence de la même façon que le noctambus…

On comprend bien à quoi correspondent ces appellations : les transports publics soignent leur image. On leur a reproché trop souvent d’être particulièrement anonymes et même parfois dangereux, surtout la nuit… Ils veulent donc apparaître, comme familiers et plutôt souriants. Voilà pourquoi on invente des noms qui feront peut-être sourire, qui sont presque des jeux de mots, dont on espère qu’ils deviendront des mots de tous les jours… ou de toutes les nuits. Toute la communication des autobus parisiens, d’ailleurs, essaie de se rajeunir, et d’employer un langage de jeunes gens. Ainsi, des affichettes nous encouragent à adopter la « bus attitude ». C’est-à-dire ? Se lever pour laisser sa place à une vieille dame, poser son sac à dos par terre pour ne pas rendre trop de place, ne pas essayer de monter si le bus est déjà complet, ne pas affecter une manière d’être trop bruyante ou trop désinvolte ou trop sans-gêne qui pourrait désobliger les voisins… Tout un comportement empreint de civilité… pour lutter justement contre l’incivilité.. mais qui essaie de s’exprimer non pas dans un langage d’adultes dissuasif et guindé… mais justement dans un langage plutôt « jeune ».