BOUCLIER FISCAL
Par: Yvan Amar
La réforme des impôts présentée récemment par l’administration des Finances, en France, a soulevé des inquiétudes et suscité des commentaires. Mais, l’un des points les plus commentés concerne ce fameux bouclier fiscal qu’on nous propose. Drôle d’expression en vérité. Que recouvre-t-elle ? En deux mots, ce bouclier fiscal viserait à limiter à 60% des revenus du contribuable les impôts cumulés suivants : impôts sur le revenu, impôt sur la fortune (le fameux ISF), taxe d’habitation et taxe foncière.Comment expliquer cette image ? Elle est inattendue, certes, mais on peut mieux la comprendre en explorant les évocations qu’elle fait naître : un bouclier sert d’abord à se protéger. On veut donc répandre l’idée que cette disposition protègera le contribuable. Contre des effets pervers possibles du calcul de l’impôt qui pourrait lui faire payer trop par rapport à ce qu’il gagne. En d’autres termes, l’administration des impôts veut faire passer l’idée qu’elle protège ses administrés contre des débordements dont elle pourrait être la cause. Le recours à cette formulation montre le désir qu’a le gouvernement de frapper les esprits en employant une image totalement inattendue. D’ailleurs, cette image, elle semble étonnante parce qu’elle en supplante une autre : celle du plafond, du plafonnement.
C’est comme ça qu’on dit, en général : on plafonne les impôts. C’est-à-dire qu’on leur met une limite supérieure pour éviter qu’ils ne montent trop haut. Mais là, c’est comme si on assistait à un bouleversement de perspective : au lieu de placer un rempart en haut, empêcher l’impôt de monter inconsidérément, on plaçait le rempart de façon frontale. Ce n’est pas seulement qu’on empêche l’impôt d’aller trop haut, c’est qu’on l’empêche de venir frapper le contribuable au cœur… Enfin, certains contribuables, puisque cette mesure par sa nature même, ne pourra favoriser tout le monde.
Et, du même coup, on évoque tout un univers de chevalerie, de tournoi. On transporte la logique fiscale au Moyen-âge… Enfin, n’exagérons pas : on sait que cette image du bouclier a été récemment employée dans un domaine qui n’avait rien de médiéval : on se souvient de l’opération « bouclier du désert » lancée par les Etats-Unis en prélude à la première guerre du Golfe, en 1990.
Et on a beaucoup entendu également l’expression « bouclier humain », à propos de ceux qui sont exposés les premiers au feu de l’ennemi, et qui sont souvent utilisés en manière d’otages.
Mais quand même le bouclier, en général, ça fait un peu arme à l’ancienne.
Puisque le bouclier est cette pièce d’armement du chevalier qu’il place devant sa poitrine pour parer les attaques, soit de l’épée, soit des flèches. Pourquoi « bouclier » ? Au départ, le mot était plutôt un qualificatif : on parlait d’écu bouclier, c’est-à-dire garni d’une bosse centrale qui le renforçait. Et puis, on a progressivement perdu le premier terme, le mot écu s’est presque endormi, laissant la place au seul bouclier.