OUTRE-MER
Par: Yvan Amar
Ce week-end, dans le cadre de la manifestation Lire en fête, s’est déroulé le salon de l’outre-mer. Salon littéraire, c’est à dire regroupement culturel d’un certain nombre d’écrivains qui se retrouvent, échangent, présentent, vendent et signent leurs livres. Des livres écrits en outre-mer… ou peut-être ailleurs, mais par des écrivains originaires d’outre-mer… Et on ne dit pas des écrivains outre-marins… ni même ultra marins : l’adjectif n’existe pas.Mais l’outre-mer existe : qu’est-ce que c’est ? La formation du mot est simple à comprendre : ça veut dire au-delà de la mer. Outre est un préfixe français qui dérive du latin ultra. Qui signifie au-delà de, de l’autre côté de. Et le sens du préfixe est assez fort : il s’agit toujours de situer l’au-delà d’une frontière importante, difficilement franchissable… peut-être même qu’on ne doit pas franchir, en tout cas qui délimite deux univers, deux mondes radicalement différents. Et le verbe outrepasser désigne justement qu’on a franchi une limite en-deçà de laquelle on aurait dû rester : il ne faut pas outrepasser ses droits ! On se souviendra aussi des Mémoires d’Outre-Tombe de Chateaubriand, qui ont atteint leur public après la mort de leur auteur. Et une voix d’outre-tombe semble venir du royaume des morts.. d’au-delà su Styx… Même si on jongle là avec une géographie de l’imaginaire, c’est bien une géographie quand même. Et le préfix outre est bien fréquemment utilisé dans un sens concrètement géographique : outre-Manche, outre-Atlantique, outre-Rhin. C’est à dire, d’un point de vue français, en Grande Bretagne, en Allemagne, en Amérique. Ce préfixe n’est pas libre : on ne peut à la demande l’utiliser pour fabriquer des expressions : il ne viendrait à l’idée de personne de dire outre-Méditerranée pour désigner l’Afrique du Nord. Et si l’adjectif transalpin existe, outre-alpin n’existe pas !
Mais revenons donc à notre outre-mer ! De quelle mer s’agit-il ? Ca dépend ! Et ça nous renvoie non seulement à un passé ethnocentrique, organisé autour de la France, et pas seulement autour de la langue française, mais à un passé colonial. Outre-mer désigne presque toujours certaines de nos anciennes colonies. Non celles qui ont acquis leur indépendance, mais celles qui ont intégré l’état français. Les départements et les territoires d’outre-mer. Qu’on appelle officiellement DOM-TOM, par leurs initiales. Ces abréviations sont officielles depuis 1973, et elles renvoient en fait à des mers différentes : la première à la quelle on pense est bien l’océan Atlantique. Et cela vaudra donc pour les Antilles françaises, mais aussi pour la Guyane et Saint-Pierre et Miquelon par exemple. Alors que si l’on songe à la Réunion, l’affaire sera différente : outre mer , certainement ! Mais outre laquelle ? L’océan Indien dira-t-on. Soit, mais il ne baigne pas les côtes françaises, et il faut déjà faire bien du chemin avant de le trouver, lorsqu’on part de France. Outre-mer évoque donc d’abord un éloignement, presque un exotisme qu’on retrouve quand on se souvient que c’est aussi le nom d’une pierre semi-précieuse, qu’on appelle également lapis-lazuli.