BEATLE
Par: Yvan Amar
Aujourd’hui, s’ouvre à Paris, à la Cité de la musique de la Villette, une exposition consacrée à John Lennon : « John Lennon Unfinished music », rétrospective autour de ce musicien, qui se poursuivra jusqu’au 25 juin 2006. On a donc le temps d’aller à la rencontre de cette manifestation qui correspond à la fois au 25ème anniversaire de la mort de Lennon et au 65ème anniversaire de sa naissance. Alors penserez-vous, tout ça est bien anglophone, et on entend parler d’unfinished music plutôt que de musique inachevée. Certes. Mais, notons au passage que le musicien était britannique et qu’il vivait aux Etats-Unis. Et puis le groupe dont il était l’un des membres principaux a connu une telle célébrité qu’il vaut bien une chronique : les Beatles font partie de l’imaginaire français. Il se prononce, d’ailleurs, sans difficulté, et à la française… Et il accepte bien volontiers l’article : on dit les Beatles… et ça passe. Nul besoin de dire The Beatles. On s’approprie le mot. Et il faut convenir qu’on a fait la même chose pour tous les groupes qui ont réussi… Les Rolling Stones, les Shadows, les Beach Boys, etc. Seulement voilà, qu’est-ce que c’est que ce mot étrange de « beatles ». C’est le nom que le groupe s’est donné en 1960, après s’être rapidement appelé Silver Beatles. L’intéressant, c’est que le mot ne veut rien dire en anglais. Il est vraiment inventé. Mais avec des évocations indirectes.D’abord, il se prononce sensiblement comme le mot beetle écrit b-e-e-t-l-e, qui signifie scarabée. Les quatre jeunes gens dans le vent voulaient-ils passer pour des scarabées, après avoir été des scarabées d’argent (silver beetles) ? Probablement pas. Et on peut penser que c’est de façon très délibérée qu’ils ont choisi un nom qui n’existait pas tel quel dans le dictionnaire de leur langue maternelle. Mais, cette proximité reste dans l’esprit de tous les anglophones. Pour les Français, évidemment, c’est différent.
Le mot de « beatle » évoque autre chose : le beat, c’est-à-dire le battement, ce qui évoque le tempo, le rythme. On dit davantage aujourd’hui, chez les musiciens, la pulse, la pulsation. Le mot n’est peut-être pas si courant en français, d’abord parce qu’il peut évoquer un calembour grivois. Mais, en anglais, il évoque la musique. Et en 1960, on parle en Angleterre de beat music, musique rythmée, genre de rock à la mode ! Mais, il y a aussi ce qu’on a appelé la beat generation. Qui, elle, a déjà atteint son apogée lorsque les Beatles se font connaître. C’est ainsi qu’on a appelé tout un mouvement culturel, surtout littéraire, qui a secoué l’Amérique d’après-guerre avec des poètes comme Allen Ginsberg ou des romanciers comme Jack Kerouac, par exemple : mouvement libertaire et révolte, dont le nom joue sur une autre ambiguïté du mot beat : la beat generation ce serait plutôt la génération épuisée. Mais enfin, son influence n’est pas tout à fait éteinte lorsque naissent les Beatles, et dans l’esprit du public en tout cas (même s’il n’y avait rien de volontaire de la part des Beatles), on fait le lien.
Et à partir du succès phénoménal de ce groupe, on créera enfin des mots, diffusés tant dans les pays de langue anglaise qu’en France ou dans les pays francophones, de beatlemania : La folie Beatles !