TROUBADOUR, TROUVERE
Par: Yvan Amar
« Anem tots a Carcassonna !» Cet étrange cri de ralliement nous convie à une importante manifestation qui doit se dérouler demain dans le sud de la France, à Carcassonne, pour défendre les langues régionales de France et, en particulier, la langue d’Oc. Il s’agit de sauvegarder la langue des troubadours. Soit… Mais qu’est-ce que c’est qu’un troubadour ? Une fois qu’on saura ça, on en saura bien plus.« Troubadour » est le nom qu’on donne à ces poètes musiciens qui se sont spécialement illustrés au Moyen-âge, dans le sud de la France. Est-ce que c’est le seul mot qui désigne ces musiciens médiévaux ? Non, loin de là ! On parle souvent de ménestrels. Le mot dérive du latin ministerium, c’est-à-dire charge ou service. Le ménestrel est donc d’abord l’employé, celui qui a la charge de faire quelque chose. Mais, au Moyen-âge, le mot ne désignera plus que les musiciens ambulants, qui vont de château en château pour distraire les seigneurs – et ceux qui vivent auprès d’eux – et leur faire goûter leur musique et leur poésie. Mais, en français, ce mot de ménestrel a quand même gardé un souvenir de son origine un peu subalterne : le ménestrel, comme le jongleur ou le bateleur, n’est jamais plus qu’un enfant de la balle.
Le troubadour, au contraire, se voit attribuer un statut bien plus enviable. Il est beaucoup plus respecté. La preuve ? Nombre des troubadours les plus célèbres sont de grande naissance : l’un des premiers est certainement Guillaume IX d’Aquitaine, même si l’illustre Bernard de Ventadour est d’origine modeste. Mais, d’où vient ce nom de troubadour qui, par sa musique même, évoque le Midi, la garrigue et le romarin. Le troubadour est celui qui trouve… l’inventeur de poème. Et probablement, l’origine du mot nous fait remonter à cette poésie lyrique et chantée, où les contraintes étaient importantes, mais où il y avait également des espaces de liberté, d’improvisation autour d’un thème, de variations autour d’une forme fixe. Le troubadour invente donc des vers. Le terme s’est transmis jusqu’à nous, avec un écho très positif. Et il est repris, par exemple, par Charles Trénet (Swing troubadour, le troubadour moderne… d’il y a soixante ans ou plus), ou plus récemment par ces musiciens de Toulouse qui se nomment les Fabulous troubadours). On a aussi une version du troubadour : le trouvère. C’est, en fait, le même mot, tel qu’on l’entend en langue d’oïl, au nord de la France. Ce dernier mot a eu moins de succès, mais on se souviendra que l’opéra de Verdi « Il Trovatore » est traduit en français par « le Trouvère ».
Autour de tout ce mouvement littéraire, on trouve des expressions qui lui sont liées, mais qui sont encore assez bien comprises dans le français d’aujourd’hui. On ne parle plus de « fin amors », cet amour parfait, qui élève celui qui l’éprouve et l’exprime, amour pour une dame idéalisée, dont on a dit souvent que c’était comme une image de la Vierge Marie. Mais, l’expression d’amour courtois, qui renvoie à la même idée est encore bien comprise.