SUSPENSION

Par: Yvan Amar

Trois militaires, dont le général Henri Poncet, suspendus par leur ministre, à la suite des violences dont serait responsable l’armée française en Côte d’Ivoire… Deux responsables du Front National suspendus sur décision de Jean-Marie Le Pen… Deux contextes très différents dans lesquels on entend ce verbe suspendre, avec un sens voisin. Ils sont suspendus, c’est-à-dire privés de leur fonction pendant un certain temps, et même interdits de fonction. Marie-France Stirbois a été suspendue provisoirement de ses fonctions au sein du parti d’extrême droite… provisoirement… cela va sans dire car cette idée de suspension porte en elle l’idée de provisoire : une suspension est censée être toujours momentanée. On le voit bien dans d’autres expressions comme une suspension de séance, c’est-à-dire une interruption de séance, qu’on reprendra plus tard, à l’endroit même où on l’avait laissée.

Une suspension fonctionne un peu comme une sanction disciplinaire. Mais, elle a ceci de particulier qu’elle peut être décidée par une seule personne, de sa propre autorité. Il n’est pas nécessaire de convoquer une assemblée plénière, un conseil de discipline, une commission quelconque pour suspendre quelqu’un : si un supérieur est habilité à le faire, il le peut ! Et cette sanction est souvent celle qui précède une sanction plus officielle et plus définitive, mais plus longue à venir. Et d’ailleurs, il n’est pas obligatoire qu’elle vienne ! Mais elle se fait tout de suite, et permet d’éviter d’attendre les longueurs d’une procédure lourde, tout en montrant un geste d’autorité. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’un geste d’autorité rapide et impressionnant. On n’a pas le droit d’exclure, de renvoyer, de limoger quelqu’un trop vite, sans avoir pris toutes les assurances que la sanction est méritée, proportionnée à la faute. Mais, en même temps, on ne peut pas toujours laisser aller les choses jusqu’à ce que tout soit réglé. La suspension est donc un peu une mesure qui tient du principe de précaution. Il y a une présomption d’innocence, certes. Mais il y a urgence à limiter les dégâts ou à empêcher de nouvelles nuisances de se produire… même si rien n’est sûr. Ensuite, quand la procédure à été à son terme, la suspension n’a plus lieu d’être.

La mise à pied est une sanction qui a sensiblement le même sens que la suspension. C’est son emploi qui est différent : il s’utilise par rapport à des personnels qui ont moins de responsabilités que ceux qu’on suspend : un ouvrier peut être mis à pied à la suite d’une grave faute professionnelle, par exemple. L’expression étrange, avouons-le, est assez ancienne. Elle signifiait, au départ, priver de son équipage, de son cheval… en ruinant quelqu’un. En entrant dans le monde de l’entreprise, elle s’est popularisée et démocratisée.