COUVRE-FEU
Par: Yvan Amar
Certaines municipalités françaises autorisées à déclarer un couvre-feu, pour tenter de neutraliser les violences urbaines. Mais, qu’est-ce donc qu’un couvre-feu ? L’interdiction faite de sortir après une certaine heure, le soir et pendant la nuit. Il est, bien entendu, que le couvre-feu ne s’entend pas pendant la journée… mais quand les ténèbres enveloppent la ville… c’est souvent, à ce moment, que les troubles peuvent commencer… Aussi, décrète-t-on que passée telle ou telle heure, on n’aura plus le droit de traîner dans les rues. De traîner ? Même d’être dans les rues, de se tenir dehors. Et on se rappelle de nombreuses scènes de films où l’on voit des gens se dépêcher de rentrer chez eux, pour ne pas être surpris dehors par l’heure du couvre-feu.L’origine du mot ? Elle est assez simple à comprendre.
Le mot est ancien, et si d’abord il ne désigne qu’un ustensile pour couvrir et conserver du feu sans qu’il s’éteigne, dès le Moyen-âge, il prend un sens figuré : il s’agit de couvrir les feux, c’est-à-dire d’éteindre ou de masquer, de cacher les sources de lumière. Le couvre-feu, c’est donc l’heure de l’extinction des feux. Et, bien vite, le mot va désigner le signal qui avertit qu’on éteigne : c’est une cloche particulière, sonnée de façon particulière. On sait que, du glas au tocsin, les sonneries de cloches avaient de multiples usages au Moyen-âge, pour faire passer des messages à la population : une multitude de codes étaient connus de tous. On dit, donc, à l’époque « sonner le couvre-feu ». Une pratique qui se généralise en temps de guerre, aussi bien en France qu’en Angleterre, à partir du XIème siècle. Il semble même que cette pratique ait été un temps confondue avec celle de l’angélus, la cloche qui appelle à la prière du soir, et symbolise la tombée du jour.
Il s’agit, donc, d’une sorte d’opération ville morte : pas de lumière… et, par extension, pas de promeneurs…
C’est ce dernier sens qu’a pris l’expression abandonnant, d’ailleurs, le premier. A tel point que pour désigner l’obscurité commandée à toute une ville, on va user d’une autre expression : le « black out ». Expression anglaise qui signifie à peu près « noir complet », et qui date de la dernière Guerre mondiale. C’était un ordre de la défense passive de calfeutrer toutes les fenêtres, pour ne laisser sourdre aucune lumière. Et cette mesure a d’abord été prise à Londres à une époque où elle essuyait presque toutes les nuits les bombardements allemands. Ville invisible, elle donnait moins de prise aux bombes de l’ennemi.
Une bizarrerie à signaler : le couvre-feu va, au XIXème siècle, signifier également l’heure de l’allumage des réverbères, quand cette pratique était manuelle. Ce qui est tout à fait étrange, puisqu’à ce moment, le couvre-feu signifie, non pas qu’on éteint, mais qu’on allume… Mais c’est l’heure à laquelle il faut allumer si l’on veut encore y voir.