MAUVAIS GENIE
Par: Yvan Amar
Dick Cheney est-il le mauvais génie de George Bush ? Je ne sais pas trop, et je ne sais pas si G. Bush a, à ses côtés, un génie, qu’il soit bon ou mauvais. Ce que je sais c’est que c’est la formule avec laquelle Le Monde présente le vice-président des Etats-Unis : le mauvais génie de Bush. C’est-à-dire qu’il en fait une créature malfaisante qui tire le Président vers le mal. Qui l’influence dans le mauvais sens. Qui le conseille de façon démoniaque. Drôle de titre donc, mais qui veut davantage donner une idée de l’image que les Américains peuvent avoir de leur président, qu’une analyse en propre de la personnalité de cet homme politique. Mais enfin, le fait de présenter Bush affublé d’un mauvais génie tend d’un côté à affaiblir son image, (il est influencé, mal entouré…) et donc peut-être à le déresponsabiliser par rapport à des actes dont il ne serait pas le vrai ou tout au moins l’unique responsable.Et dans ce cas, cette expression de mauvais génie s’oppose à un symétrique possible, bon génie… Et on pourrait tout aussi bien dire « bon ange » ou « mauvais ange »… Cela nous renvoie à une imagerie chrétienne, même si elle n’est pas tout à fait catholique, qui présente l’être humain, influençable, et soumis aux influences d’un ange qui tire la conscience vers le bien, et d’un autre, qui la tente et la tire vers le mal. Et l’image de la tentation est toujours celle du mal. Le bien ne tente pas, tout le monde sait cela ! Et le mal ne fait que tenter… Le génie du mal, le mauvais génie a, bien sûr, fort affaire avec le diable. Et on se souviendra du malin génie, notion dont le philosophe Descartes fait l’hypothèse, génie qui ferait croire à l’homme que le monde existe, alors qu’en fait il n’existe pas…
Genius, en latin, désigne une divinité. Pas vraiment un dieu donc. Mais sûrement pas un humain non plus. Une petite parcelle de divin, qui prend une certaine autonomie, et s’attache à un être humain. Qui préside à sa naissance, s’attache ensuite à ses pas… Le génie n’a donc pas de nom… il aurait, si besoin était, celui de la personne qu’il accompagne. Mais ce qu’il y a de sympathique dans cette créature étrange, c’est que justement, elle n’est pas nommée au panthéon des vrais dieux…
Et l’on comprend mieux comment, de fil en aiguille, ce mot de génie finit par désigner, non pas le guide qui relie l’homme à la divinité, l’auréole en quelque sorte, mais les qualités propres à l’individu… si celles-ci sont telles qu’elles le placent au-dessus du commun des mortels. Cet homme a du génie… On passe au partitif… Non pas un génie, mais du génie. C’est-à-dire des qualités qui surpassent les qualités humaines ordinaires. Mais, en même temps, il y a un orgueil démesuré dans ce glissement de sens… Comme si certains hommes étaient justement responsables, presque propriétaires de la part divine qui les habite. En tout cas, comme si elle n’était pas radicalement distincte d’eux-mêmes.