COLONISATION

Par: Yvan Amar

La décolonisation, en ce qui concerne l’histoire de la république française, date d’il y a quarante ans et plus… Et pourtant, on n’en a jamais autant parlé qu’en ce moment. Il faut dire d’abord que quarante ans… ce n’est pas tant que ça, au regard de l’histoire ; une grande partie des acteurs de cette histoire sont encore vivants ; une grande partie des vivants d’aujourd’hui ont connu cette période. Mais, il y a aussi cette polémique sur une loi qui n’est pas abrogée, et qui prévoit dans les programmes officiels de l’enseignement en France, que les professeurs devront, dans leur enseignement « reconnaître en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord… » Donc souligner les bienfaits de la colonisation. On appréciera. Mais ce qui nous intéresse c’est évidemment ce mot de « colonisation ».

Ce qu’on appelle « colonisation » consiste à annexer un territoire, à se l’approprier, et à le peupler de colons… C’est-à-dire à envoyer dans ce territoire qu’on a conquis (et pour l’Afrique du Nord, on parle bien de conquêtes françaises) des populations originaires de la population conquérante, pour exploiter ce pays. L’exploiter comment ? Dans quel sens entend-on ce mot ? Il est intéressant de se pencher sur l’origine du mot « colon », d’où viennent bien sûr « colonie » et « colonisation »…

Colonus en latin renvoie à un cultivateur, à un paysan, celui qui travaille une terre qui lui appartient, ou pas. Car colonus a aussi le sens de métayer.
Les colons sont donc compris d’abord comme ceux qui vont exploiter des terres lointaines. Ce sens, on le trouve déjà en latin, ou la colonia désigne un établissement de Romains dans une région contrôlée par Rome... On a, donc, déjà ces deux idées importantes : on envoie un groupe de gens travailler une terre qu’on s’est appropriée. L’idée a été reprise par l’Occident, notamment au XIXème siècle, même si la pratique est bien plus ancienne… C’est quand même à cette période que la pratique s’est généralisée, surtout pour la France. C’est donc ce qu’on appelle la colonisation, le fait de multiplier les colonies, de les administrer, et de régler le problème de leur relation avec le pays qui en est possesseur. Car c’est bien d’un rapport de possession qu’il s’agit : la France (comme l’Angleterre et d’autres…) avait des colonies. Et les terres colonisées n’avaient pas le même statut que le territoire national : c’était à la France ; ce n’était pas la France… même si les positions officielles pouvaient varier entre colonie proprement dite, territoire sous mandat, protectorat, tutelles, etc. Il n’y a pas eu un seul modèle, et ces modèles ont changé avec le temps. Ainsi pouvait-on entendre, avant l’autodétermination de l’Algérie, des formules telles que « l’Algérie, c’est la France », qui semblait opposer l’Algérie aux colonies explicites.
Il n’empêche : ces colonies n’étaient pas, dans l’ensemble, terres de la République, ou de la monarchie (sous Louis-Philippe, par exemple) ou de l’Empire, sous Napoléon III. On parlait pourtant de l’Empire colonial, et la IIIème République s’accommodait fort bien de la formule. Mais justement, l’Empire colonial était un apanage de la République… Et la décolonisation a consisté à délier ce lien qui a peut-être eu quelques aspects positifs mais s’est surtout caractérisé par une violence certaine.