MEA CULPA

Par: Yvan Amar

A propos du procès d’Outreau, procès de pédophiles supposés dont beaucoup ont été condamnés à tort en première instance – lors du premier procès dont l’appel se joue actuellement, on parle de « mea culpa ». La justice fait son mea culpa. S’excuse, et reconnaît ses torts.
« Faire son mea culpa », c’est reconnaître devant tout le monde, et pas seulement face à sa conscience, ou en privé qu’on s’est trompé, c’est reconnaître sa faute. Avec une certaine solennité, en tout cas en insistant sur cet aveu public qui a donc presque valeur officielle : c’est plus qu’un mot, c’est un geste. C’est un peu comme de signer un papier. Ça n’annule peut-être pas les conséquences de la faute, ça ne fait pas vraiment revenir en arrière, mais c’est un symbole important. Une manière d’exprimer qu’on regrette.
Une route tracée sur le chemin de l’excuse et du pardon. Car c’est bien de pardon qu’il s’agit, avec un mot qui vient du vocabulaire religieux. Pas seulement : culpa signifie faute en latin. Et la justice qui fait son mea culpa… est une manière de jouer sur les mots pour dire que la justice admet sa faute... elle qui est chargée de condamner les fautes des justiciables…

Mais « mea culpa » est d’abord une expression religieuse. L’expression apparaît dans le rituel de la messe catholique, qu’on appelle communément le confiteor. Confiteor est un verbe latin qui signifie je confesse. Alors attention, dans la liturgie catholique, ce confiteor… et, par conséquent, l’expression mea culpa qui en fait partie, n’apparaissent pas dans le cadre de ce qu’on appelle la confession, dans un confessionnal. Le mea culpa ne sert donc pas à confesser des pêchés précis, mais à se reconnaître simplement comme profondément pêcheur, puisqu’on est humain et que pêcher fait partie de l’humaine condition.

Le texte dit donc « mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa »… ce qui se traduit par « c’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute ». Un mot d’histoire de la langue… on dirait aujourd’hui « c’est de ma faute ». L’expression « c’est ma faute » a un côté archaïsant, mais comme c’est la façon dont la pratique religieuse le traduit, on ne change rien à cela. Le rituel veut aussi que le fidèle, en prononçant ces mots, puisse se frapper la poitrine du poing, en signe d’auto accusation.
De là, l’expression « battre sa coulpe » qui désigne ce geste, à l’aide du mot coulpe qu’on utilise que dans ce cas-là. C’est un assez drôle de mot qui, même s’il est le casque de culpa, ne signifie pas la même chose : ça ne veut pas dire faute. Ça ne veut pas non plus dire poitrine, bien que « battre sa coulpe » soit se battre la poitrine. Ça exprime simplement le symbolisme de ce geste.
Et l’expression « battre sa coulpe » est le plus souvent employée de façon abstraite. « Il a battu sa coulpe » veut dire il a reconnu ses torts, émis des regrets... sans que le geste lui-même ait été accompli.